Présentant sa dernière création Jean-Michel Ribes dit « Un immeuble, un quartier, … comme vous j’habite ici. Comme vous je me faufile entre les morales définitives et les audaces joyeuses, trébuchant souvent … j’avance à tâtons cherchant l’air frais à travers la broussaille des certitudes et le bordel des idées, … je continue guidé par l’utopie et la vie qui continue elle aussi. Que vous dire ? Sinon que tout cela finit par me faire rire, énormément rire »

On rit effectivement souvent au spectacle du petit monde qui habite dans cet immeuble que garde une concierge, observatrice aimable et ironique. On y trouve un bourgeois raciste et homophobe, admirateur éperdu de Saint Louis, fort fâché contre sa fille qui a le malheur de flirter avec un maghrébin, un couple snob vantant Proust (un auteur populaire car si on s’appelle Marcel..!), une critique de théâtre, amoureuse des alexandrins et souffrant de problèmes urinaires, une famille BCBG, dont le fils est amoureux d’un flic rencontré lorsque celui-ci chargeait une manif étudiante, un militant anti-écologiste acharné, qui veut tirer sur tous les oiseaux qu’attirent les arbres plantés par le nouveau maire écolo, un fonctionnaire obligé de lécher, au sens propre, ses supérieurs dans un ministère qui s’érotise de bas en haut. On retrouve bien l’insolence et l’esprit potache de Jean-Michel Ribes. Le problème est que cela reste à ce stade, une suite de saynètes un peu lourdes qui se succèdent sans dépasser le stade du cliché. 

Il faut reconnaître pourtant que l’on rit souvent, surtout lorsque l’auteur n’hésite pas devant le « trop », comme lorsque le flic et son amoureux étudiant, déguisés en libellules, défilent pour la Gay Pride. Et puis il y a le charme de la scénographie (Emmanuelle Favre) et des costumes colorés et inventifs (Juliette Chanaud) qui installent le spectateur entre rêve et réalité. Dans cette cour avec ses deux immeubles blancs où les lumières accompagnent les différentes heures de la journée ou de la nuit, les personnages se croisent, se parlent, la concierge vide les poubelles et téléphone à sa sœur coincée dans un village où il ne se passe rien.

Enfin Jean-Michel Ribes sait s’entourer d’acteurs prêts à épouser son univers. Ils sont dix pour jouer la trentaine de personnages, changeant de costumes, parfois de voix, avec une fluidité stupéfiante. Tous sont excellents. On peut ainsi retenir Philippe Magnan, remarquable en bourgeois insupportable, campé dans ses certitudes racistes, Marie-Christine Orry désopilante en critique que fait planer les alexandrins ou en Madame Martineau, mégère autoritaire peu à peu abasourdie et dépassée par le parcours érotique de son mari (Olivier Broche) au Ministère, Alice de Lencquesaing en ado amoureuse se réjouissant à la fin de la mort de son raciste de père. Et puis il y a Annie Gregorio, la concierge pragmatique et savoureuse avec son humour calme, gardienne de tout ce petit monde.

Certes, même si l’on croise des thèmes qui agitent notre époque – l’écologie, le véganisme, la sexualité, le snobisme culturel – ce n’est pas la sociologie de notre temps que nous propose Jean-Michel Ribes. Cela reste assez superficiel et on souhaiterait moins de personnages avec un peu plus d’épaisseur. Mais on s’amuse et il est toujours permis de discuter ensuite.

Micheline Rousselet

Jusqu’au 17 octobre au Théâtre du Rond-Point – 2bis, avenue Franklin Roosevelt, 75008 Paris – Réservations : 01 44 95 98 21 – Du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 15h, relâche le lundi

Bienvenue sur le blog Culture du SNES-FSU.

Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.

Des remarques, des suggestions ? Contactez nous à culture@snes.edu