Le Rond-Point pour sa réouverture offre sa grande salle à Pierre Notte pour ce Je te pardonne dont il a écrit le texte et la musique, dont il signe la mise en scène et qu’il interprète aussi, jouant le rôle d’Harvey Weinstein.
À la barre, Harvey Weinstein voit défiler les témoins du carnage, une femme de chambre du Sofitel, une star abusée, des gamines sous emprise, Hélène de Troie, Peau d’Âne et bien d’autres. Christiane Taubira et Elizabeth Badinter s’imposent en avocates. À travers H. Weinstein s’instruit le procès des hommes vieillissants, avides de chair fraîche, et du patriarcat qui scelle la domination des hommes. De toutes façons, c’est toujours la faute des femmes, de leur beauté ou de leur jeunesse provocantes. D’ailleurs « quand on insulte une femme on la traite de pute et quand on insulte un homme on le traite de fils de pute »! Au fur et à mesure du procès le producteur violeur décline, ses fesses s’arrondissent, ses seins poussent remplaçant les pectoraux et ses parties génitales s’atrophient. Comble de l’ironie sa part féminine s’affirme.
Pierre Notte a l’art de dire des choses sérieuses sur un ton qui va de l’humour au loufoque et à la provocation. C’est souvent sans appel sur les déclarations machistes (« c’est la beauté des femmes qui fout la merde partout » ou « les hommes passent leur temps à se mesurer la bite, mais il leur faut des femmes, des têtes de Turc pour justifier leurs conneries »). Les déclarations inadmissibles sont reprises avec une ironie dévastatrice (« une histoire de domestique troussée » à propos de la femme de chambre du Sofitel) tout comme les propos de Catherine Deneuve défendant le « droit d’être importunée ». Comme c’est un procès, les femmes en colère n’hésitent pas à utiliser un langage trivial à dire merde et remerde ou à faire un doigt d’honneur. Il y a de la dérision.« On ne naît pas femme, on s’épile, on ne naît pas femme on obtempère » chante une des femmes.
Dans ce cabaret ils sont quatre. Sur des arrangements musicaux de Clément Walker-Viry, jouant lui-même au piano, on est plongé dans l’univers des comédies musicales et on pense bien sûr à Jacques Demy, puisqu’on démarre vite sur Peau d’Âne. Aux côtés du pianiste il et elles sont trois à jouer, chanter et danser. Pierre Notte campe un Harvey Weinstein en pyjama, déjà bien loin du prédateur d’antan, non par repentir mais parce que le passage des ans le contraint. Marie Notte, sœur de Pierre, en robe cintrée et Pauline Chagne, en courte robe à paillettes noires et hautes bottes en poil comme des jambes non épilées mais fort sexy, prennent la parole avec esprit et ironie au nom de toutes ces femmes rebelles au pouvoir des hommes. Elles sont éclatantes.
Tout cela sonne juste, on se régale des chansons et des danses … et on rit beaucoup.
Micheline Rousselet
Du 1er au 17 juin à 19h, du 18 au 26 juin à 21h au Théâtre du Rond-Point, relâche dimanche et lundi – 2bis, avenue Franklin Roosevelt, 75008 Paris – Réservations : 01 44 95 98 21 ou theatredurondpoint.fr
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