Tout commence par la voix d’Amstrong chantant What a wonderful world. Et n’est-ce pas ce à quoi l’on s’attend lorsqu’on a une mère, profondément et exclusivement attachée à soi, qui vous prédit que vous serez Prix Nobel ou Victor Hugo et que vous aurez toutes les femmes à vos pieds ?
Dans le livre, Romain Gary peint sa mère, tellement pétrie d’admiration pour ce fils unique qu’elle lui faisait honte parfois par son excès d’amour. Mais il sait aussi qu’elle lui a fait le plus merveilleux des cadeaux en lui donnant confiance en son talent.
Franck Desmedt interprète la promesse de l’aube, ce roman très autobiographique de Romain Gary où l’humour le dispute à l’émotion. Il est sa mère fumant et lui parlant de son avenir avec son très fort accent russe, le mettant en garde contre la syphilis (forcément avec toutes ces femmes qui allaient se jeter à ses pieds !), lui promettant de devenir le plus illustre des écrivains mais aussi un grand joueur de tennis, un héros de guerre, un diplomate. Muni de ces promesses, il commence à écrire tout en faisant des petits boulots pour survivre. La réussite est intermittente, mais suffit à nourrir la légende du grand écrivain que sa mère colporte sur les marchés de Cannes. Ayant échappé au projet qu’elle nourrit un moment pour l’envoyer à Berlin assassiner Hitler (!), il s’illustrera pendant la guerre, entamera ensuite une carrière diplomatique qui le verra devenir consul général de France à Los Angeles et deviendra un écrivain reconnu deux fois primé au Goncourt. Il réalisait ainsi les rêves de grandeur nourris pour son fils par cette mère idéaliste, fantasque et inventive.
Quelques objets, une valise, un drapeau, un peu de musique, des voix, celle de Chaplin dans le discours du Dictateur, celle du Général de Gaulle, le chant des partisans suffisent à situer les exils, le temps qui passe et la guerre. Et c’est à la voix de Franck Desmedt que l’on s’accroche. Il est Romain Gary tel qu’on s’en souvient ou tel qu’on l’imagine. Il est cette mère que son amour conduit à des inventions folles et cocasses. On rit, on est ému et on rêve de l’entendre dire les mots de Romain Gary jusqu’à l’aube.
Micheline Rousselet
Du 7 au 31 juillet OFF d’Avignon La Condition des Soies à 18h25 – A partir du 25 août au Lucernaire à 18h30 – 53 rue Notre-Dame-des-Champs, 75006 Paris.Réservations : 01 45 44 57 34
Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.
Des remarques, des suggestions ? Contactez nous à culture@snes.edu