Un homme dont on sent la détermination fait face au public qu’il interpelle. Pour illustrer la différence entre la loi et la justice il démontre avec un humour caustique que si l’on utilise bien les textes de loi, il devient plus avantageux de tuer sa femme que de demander le divorce ! Mais la justice, c’est autre chose. On va donc suivre le parcours d’un juge. Nommé d’abord dans une petite ville du sud de l’Italie où les assassinats se succèdent au rythme des vengeances, il prend conscience de la misère et de la peur qui découragent toute dénonciation. Il voit aussi comment le manque de moyens bloque le travail de la police et de la justice. Transféré à Palerme il découvre la puissance de la mafia et de ses avocats, prêts à tous les subterfuges pour empêcher la tenue des procès dans des délais qui évitent la prescription. Menacé il passe sous protection policière, mais lorsqu’il s’approche trop des politiques qui couvrent la mafia, on le transfèrera, sous couvert de promotion, à Bogota dans un organe international de lutte contre les stupéfiants !
Fabio Alessandri, formé en Italie mais qui travaille en France depuis longtemps, avec la scène Nationale de Dieppe actuellement, s’est basé sur les témoignages et les récits de plusieurs magistrats, dont Giovanni Falcone exécuté en 1992 dans un attentat spectaculaire sur ordre du chef maffieux Toto Riina. Dans sa mise en scène pas de décor, une table suffit avec un téléphone pour que l’on soit dans le bureau du juge. Le chant des cigales, le bruit des sirènes de police et de la circulation nous emmènent en Calabre ou en Sicile. On passe avec un fondu au noir d’une séquence à une autre.
Il interprète son texte et fait vivre ce juge, synthèse de tous ces magistrats courageux. Le ton teinté d’humour du début laisse place rapidement à la gravité. Le corps de l’acteur semble devenir plus lourd, le ton se fait plus grave. Il passe de la révolte devant le sort fait aux victimes à la détermination pour tenter de faire triompher la justice contre les maffieux d’abord puis contre ceux qui les couvrent. On sent monter sa peur, de l’amertume et pourtant il reste debout. Il est ce juge synthèse de tous ces hommes qui, au péril de leur vie et en sacrifiant leur vie personnelle se battent obstinément pour la justice et contre la corruption en Italie et ailleurs.
Un beau spectacle qui nous rappelle que la justice mérite d’être défendue si l’on veut sauver nos démocraties.
Micheline Rousselet
Spectacle vu en mai 2021 dans une représentation pour les professionnels, au Théâtre de la Reine Blanche à Paris où il sera présenté en avril 2022. En attente de tournée.
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