De 1954, date de la parution de Bonjour tristesse son premier roman salué par toute la critique et écrit alors qu’elle n’a que dix-neuf ans, jusqu’à la veille de sa mort, Françoise Sagan a écrit des chroniques pour les journaux qui la sollicitent, L’Express, Elle, d’autres encore. Son brusque succès, sa jeunesse, son côté un peu cynique et désabusé, son regard acéré, son style fait de phrases courtes, percutantes, tintées d’humour plaisent à Hélène Lazareff qui l’envoie en reportage à la rencontre de villes, d’artistes, de films.

Anne-Marie Lazarini a choisi comme cadre à ces chroniques un décor de cabaret ou de casino, ceux que Sagan aimait tant. Au centre un rideau rouge, d’un côté un bar avec bouteilles et lumières bleues, de l’autre un piano. Quelques objets et des vidéos vont nous immerger dans son univers. Jouets d’enfant ou photo renvoient à son goût de la vitesse et des voitures de sport, plutôt Aston Martin ou Porsche que Ferrari. Une roulette pour sa passion pour le jeu qui la mènera au point où ne contrôlant plus rien, elle se fait interdire l’entrée des casinos.

Un meneur de jeu Cédric Colas, deux actrices Coco Felgeirolles et Frédérique Lazarini et un pianiste Guilherme de Almeida vont faire vivre Sagan et ses chroniques, en chapitres révélateurs de ce qu’elle aimait et de sa personnalité. En service commandé, elle rapporte de ses voyages des portraits de ville (New-York et Venise) dont elle saisit l’essence, mais surtout des rencontres avec des gens qu’elle admire et avec qui elle partage son goût des soirées arrosées, Billie Holiday ou Orson Welles par exemple. Elle le fait parfois avec un humour ravageur, comme pour son voyage à Cuba pour entendre un discours de Castro. Ses critiques de cinéma sont cruelles, mais drôlissimes. Le Austerlitz d’Abel Gance est exécuté en quelques lignes. La musique a sa place dans le spectacle, puisque Sagan a écrit des textes de chanson pour Juliette Gréco par exemple. On entend Billie Holiday bien sûr, mais aussi des compositions d’Andy Emler jouée au piano par  Guilherme de Almeida.

Au hasard des chroniques, on découvre une Sagan un peu oubliée, capable de s’engager, comme dans sa défense de la jeune Djamila Boupacha, torturée par l’armée française pendant la guerre d’Algérie, signant le manifeste des 121 sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie ou le manifeste des 343 pour la dépénalisation de l’avortement. Son texte de défense des infirmières sonne étrangement actuel « Jamais on ne les paiera assez… Étrange époque où professeurs et infirmières sont maltraités ».

C’est vif, enlevé et on ne s’ennuie jamais avec celle que François Mauriac avait appelé « le charmant petit monstre ».

Micheline Rousselet 

A partir du 21 mai à l’Artistic Théâtre – 45 bis rue Richard Lenoir, 75011 Paris – Réservations : 01 43 56 38 32 – Horaires avec le couvre-feu à 21h : du mardi au samedi à 19h, Samedi à 15h30 et dimanche 17h – Avec couvre-feu à 23h : mardi 20h, vendredi et samedi à 20h30, mercredi et jeudi à 19h, samedi et dimanche à 17h

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