« Minuit à Atlanta » est le troisième volet de cette saga et de l’histoire de la ville, bastion du racisme et de tous les préjugés du Sud des États-Unis.
La cohorte de 8 flics noirs censée surveiller uniquement leur quartier – « Darktown » une dénomination habituelle de tous les ghettos noirs à cette époque et titre du premier tome – est l’objet de la haine des flics blancs qui ne les acceptent pas et c’est un euphémisme. Cette fiction, inscrite dans la réalité historique – les recherches de l’auteur en font foi -, s’organise autour de deux figures : Boggs, fils de pasteur et habitant des beaux quartiers noirs, bien éduqué et Smith provenant des quartiers pauvres qui a vu son père, ex-soldat de la première guerre, lynché à cause de son uniforme. La description de la vie à Atlanta après la deuxième guerre a de quoi révolter devant l’étalage de la bêtise meurtrière raciste.
Un troisième personnage prend de la place, lié au contexte spécifique de cette année 1956 : le boycott des bus à Montgomery et le pasteur Martin Luther King Jr – le père habite à Atlanta – mais aussi la décision de la cour suprême qui exige la fin de la ségrégation scolaire. Le lieutenant McInnis, blanc chargé de la direction de ces policiers depuis la création par le maire de cette branche de la police « municipale », est tiraillé entre ses amitiés avec Boggs notamment, le poids des préjugés, son fils qui flirte avec une jeune fille noire et sa femme qui voudrait que « tout rentre dans l’ordre ». Ses déchirements font le sel de cette enquête. La prise de conscience est difficile. Enquête il y a. Le directeur d’un journal fait par des Noirs pour les Noirs est assassiné. Pourquoi ? Smith, devenu journaliste dans le tome 2 « Temps noirs », veut savoir. Autour de ce meurtre se dévoile des affaires de famille, le FBI dont l’objet essentiel est de lutter contre les communistes et les leaders noirs et non pas le crime organisé, l’agence de détectives Pinkerton connue par ses bastonnades de grévistes, les organisations de défense des droits civiques et, last but not least, la jeunesse du patron de presse attiré par les sonorités des lendemains qui chantent à Moscou.
Tom Mullen dresse une sorte de panorama de ce South Side, de ce Deep South qui refuse d’abandonner des prérogatives mystiques, cette suprématie blanche qui ne repose sur aucun privilège économique : les Blancs pauvres sont aussi pauvres que les Noirs pauvres. L’auteur offre un vrai polar, une leçon d’histoire et d’humanité.
Nicolas Béniès
« Minuit à Atlanta », Thomas Mullen traduit par Pierre Bondil, Rivages/Noir.
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