Un homme seul en scène enregistre ses souvenirs et raconte l’histoire incroyable arrivée pendant la guerre à sa mère. Juste après l’arrestation comme Juif de son mari en 1944, elle est arrêtée par la police hongroise alors qu’elle se rendait chez sa sœur pour leur habituelle partie de rami. Alors qu’elle aurait une opportunité de s’enfuir, elle ne le fait pas, trop perturbée par ce qui lui arrive, et se retrouve dans un train, entassée avec des centaines d’autres personnes dans un wagon à bestiaux, en partance pour Auschwitz. Elle y vit une histoire aussi émouvante que surprenante puis, d’une façon aussi étrange que miraculeuse, elle évitera la déportation.
Le texte est de Georges Tabori, écrivain, scénariste (il a écrit des scenarii pour Hitchcock, Losey etc.), traducteur de Brecht en Anglais, metteur en scène et directeur de théâtre. Né à Budapest en 1914, il est envoyé par son père en apprentissage à Berlin en 1932. Il quitte la ville en 1935 pour Londres, où il participe à la guerre et travaille pour la BBC. Après la guerre, il part travailler à Hollywood avant de revenir définitivement en Allemagne et en Autriche.
La pièce en mêlant cruauté et humour, fait vivre cette année 1944 en Hongrie occupée. Au travers des anecdotes, c’est toute l’horreur de la Shoah qui se dévoile, les voisins qui ne disent plus bonjour, s’installent dans la maison des Juifs, l’État qui ne protège plus, l’arbitraire qui devient la règle. Aux questions naïves des déportés, qui ne savent pas ce qui les attend, répond la brutalité et le cynisme des Allemands et les jurons des soldats hongrois qui veulent complaire aux maîtres du moment et que ceux-ci méprisent. Au calme des champs de coquelicot sous le soleil d’été répond la violence des soldats. Au milieu du désastre subsiste pourtant une pulsion de vie d’où jaillit l’émotion.
Seul en scène Roland Timsit incarne Georges Tabori enregistrant ses souvenirs, parfois repris par la voix enregistrée de sa mère (Marion Loran), une vraie mère juive qui s’impose pour corriger le récit de son fils, ce qui agace celui-ci. Passant d’un micro à l’autre, déclenchant du pied des boucles de son et des éclairages, il raconte, joue les différents personnages de la pièce, réveille l’imagination des spectateurs par la description des différents lieux, chantonne en yiddish, écrase une bouteille de plastique pour créer le bruit du train qui s’ébranle. Son humour crée une distanciation bienvenue qui éloigne le pathos. Il mêle souvenirs d’enfance et récit de sa mère que l’on sent bien peu armée face à la situation et que l’on suit dans sa sidération. Pourtant lorsqu’on se retrouve dehors avec elle, on sent déjà pointer la culpabilité du survivant. Porté par l’acteur c’est l’Histoire qui s’invite sur scène avec son cortège d’émotions.
Micheline Rousselet
Théâtre de la Reine Blanche – 2 bis Passage Ruelle – 75018 Paris – Réservations : 01 40 05 06 96 – Dates et horaires à préciser lors de la réouverture des théâtres –
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