L’identité de genre est au centre de bien des débats et depuis 2010 la transidentité n’est plus considérée comme une maladie mentale. Pourtant la société n’a pas encore complètement abandonné cette idée et des transgenres sont encore parfois attaqué.e.s dans la rue.
Le comédien Sébastien Desjours a découvert Point Cardinal, le roman de Léonor de Récondo, prix des étudiants France Culture-Télérama en 2018, alors qu’il s’intéressait à cette question. L’autrice a tout de suite été convaincue que Sébastien Desjours allait donner vie au roman, à cette transformation qui donne au personnage son identité et lui permet de se libérer.
Laurent s’est toujours senti une identité féminine, caressant la lingerie dans les tiroirs de sa mère. Lorsqu’il était enfant, elle trouvait cela drôle puis cela n’a plus été le cas. Il s’est laissé emporter par les conventions, a épousé Solange, une amie de lycée, a eu deux enfants, a accompagné son fils au foot. Mais peu à peu il n’a plus supporté de jouer la comédie de la masculinité, de se cacher pour se travestir, enfiler des chaussures à talons, une perruque et se maquiller. Il a parlé à sa femme, visité les psys et en dépit des souffrances que lui a imposées sa décision il a décidé de devenir Lauren.
Sébastien Desjours est seul en scène. Il raconte l’histoire de Laurent mais fait aussi revivre des moments, le bonheur des soirées au Zanzibar où il est travesti en femme, les conversations avec les collègues de travail, le fils accompagné au foot, la visite chez le psy. L’acteur donne également voix à l’épouse et aux enfants car Laurent sait que sa décision va bouleverser leur vie.
Ce changement d’identité sexuelle est d’abord une histoire de corps et c’est par la vision de deux chevilles chaussées de talons hauts, dévoilées sous un rideau que commence la pièce. L’acteur paraît se regarder dans un miroir en frôlant ses hanches. En ombres chinoises il semble se maquiller. Vêtu d’un haut pailleté il est Mathilda dans les lumières mouvantes d’une boîte de nuit, en sweat il est Laurent dans sa famille. Il est d’abord celui qui croit que par sa volonté il va réussir à s’accepter en homme, puis celui qui décide d’être lui-même, en dépit des réactions de son fils et de ses collègues de travail, déterminé à ne plus être « indéterminé ».
Seul sur la scène Sébastien Desjours se met en danger laissant voir en lui sa part féminine. Fragile, mais de plus en plus décidé, il a choisi. Il est Lauren, prêt à affronter le combat pour devenir qui il est, pour « être »tout simplement et tandis que s’élève la voix de Mélany Gardot, chantant Who will confort me, le spectateur ne peut que se ranger à son côté.
Micheline Rousselet
Jusqu’au 30 décembre au Théâtre de Belleville – Attention nouveaux horaires COVID : mercredi au samedi à 19h, dimanches d’octobre 15h, dimanches de novembre 14h30 – 16 passage Piver, Paris 75011 – Réservations : 01 48 06 72 34
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