Ils sont neuf rassemblés autour de la table pour une noce. Chacun y va de son couplet, le père de la mariée répète les mêmes histoires gênantes sur la saga familiale, ce qui a le don d’exaspérer la mariée, l’amie de la mariée passe son temps à régler des comptes avec son mari, l’ami du marié, séducteur minable et vulgaire se lance dans une chanson paillarde et dans une danse, tout aussi obscène, avec la mariée. Même la jeune sœur de la mariée trouve le moyen de s’absenter, pour revenir les joues bien rouges, avec le fils de la servante. Le vin coule à flots et l’ivresse aidant, les sottises, la méchanceté et la vulgarité s’invitent au programme de cette noce. L’effondrement des meubles et la puanteur de la colle de poisson parachèvera le désastre.

Brecht avait écrit cette pièce en 1919, alors qu’il n’avait que 22 ans. Il y exécutait avec insolence le mariage, le couple, la famille petite-bourgeoise avec ce jeune marié si fier d’avoir fait de ses mains tous ses meubles, même la colle de poisson qui les fait tenir, et sa jeune femme à l’air si chaste mais enceinte de deux mois car tout ce travail a obligé à retarder le mariage. 

Olivier Mellor met en scène cette noce. La Compagnie du Berger avec qui il a l’habitude de travailler depuis 1993 s’y lance avec talent. Dès avant la levée du rideau on entend des bruits de vaisselle, des rires et ce repas, où tout va aller de mal en pis, commence. L’armoire refuse de s’ouvrir, la table que l’on veut pousser pour faire place à la danse, s’effondre. La mère (Françoise Gaziot) s’énerve en servant et casse la vaisselle. Allusion à l’auteur de la pièce, le metteur en scène a vêtu le jeune homme, fils de la servante, en jeune Brecht avec sa casquette bien connue. Le rythme est rapide, les comédiens sont très justes. On remarque particulièrement Marie-Béatrice Dardenne, l’amie de la mariée, flirtant ostensiblement avec l’ami du marié, prête à tout pour exaspérer son mari et qui dévoile le secret de la mariée avec une méchanceté perfide. Dans le genre beauf vulgaire il faut voir François Decayeux entraîner dans une danse scabreuse la mariée et son amie. On ne comprend pas vraiment les paroles de sa chanson paillarde, qui se perdent dans une sorte de yaourt, mais l’attitude des convives et ses gestes ne laissent pas de doutes sur le contenu. Trois musiciens, dont Olivier Mellor à la batterie, tentent d’obéir aux demandes contradictoires des invités, rajoutant une touche de comique.

Avec l’effondrement progressif des meubles c’est toute la façade sociale qui s’écroule. Rien ne subsiste, ni la morale, ni la décence, ni l’amitié, ni même l’amour. Les jeunes mariés se retrouvent bien seuls à la fin de la soirée et on sent poindre leur inquiétude sur cette vie de couple qui s’annonce !

Micheline Rousselet

Du 12 au 29 novembre au Théâtre de l’Épée de Bois/Cartoucherie – Route du Champ-de-Manoeuvre, 75012 Paris – Réservations : 01 48 08 39 74 ou www.epeedebois.com


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