Maryam, 22 ans, a tué accidentellement son vieux mari, Nasser. Elle est condamnée à mort et sera exécutée, à moins qu’au cours de l’émission de télé réalité qui en a fait son sujet et qui se déroule en direct devant des millions de téléspectateurs, Mono, la fille de Nasser accepte de lui accorder son pardon publiquement.
En Iran, cette émission existe réellement et elle connaît un grand succès.
L’émission qui a pour titre « La nuit du pardon » a inspiré la fiction de Massoud Bakhshi.
Après la sortie dans les salles européennes de son film précédent « Une famille respectable » jugé subversif par le pouvoir, Massoud Bakhshi a traversé une période difficile à tous points de vue.
Des plaintes contre sa personne et celle de son producteur sont allées jusqu’à demander la pendaison alors que le film n’est jamais sorti en Iran et que le scandale qu’il provoquait reposait sur la seule rumeur populaire. C’est ainsi que le réalisateur a dû attendre des années avant de pouvoir entreprendre son second long métrage.
L’idée de départ de « Yalda » était un personnage de jeune femme qui avait accidentellement tué son mari et qui écopait de la peine capitale. Le projet de départ reposait sur tous les événements réels depuis la rencontre du couple mal assorti, le contrat de mariage temporaire, le conflit avec le mari, avec la famille du mari, en particulier sa fille.
L’idée du show télévisé est venue se greffer dans un deuxième temps, lorsque Massoud Bakhshi a eu connaissance de l’existence de l’émission. Dans cette émission très populaire en direct et en public, comme un divertissement, « sont en jeu » la vie ou la mort d’un être.
On sait que le Talion, dont la base est la vengeance avec pour adage, « Œil dent pour dent », fait partie intégrante de la loi islamique et si, à l’issue de l’émission, la famille de la victime pardonne, le ou la coupable doit purger une peine de prison et acquitter le « prix du sang » à la famille de la victime.
Yalda est, selon la tradition, une fête qui marque le début de l’hiver au cours de laquelle les familles se réunissent avec leurs proches et leurs amis pour raconter des histoires et réciter des poèmes de Hafez, un des piliers de la culture persane.
Dans le film de Massoud Bajhshi, Yalda c’est une nuit où, pour Maryam tout peut basculer et au cours de laquelle elle peut donner sa version du drame.
La force du film consiste dans le rapprochement de l’idée de fête avec une tragédie où se décide la vie ou la mort d’une personne.
L’émission de télé réalité avec son faste, son clinquant, ses paillettes contraste avec la situation de la condamnée, son total isolement, son profond désarroi.
D’un côté, le ton enjoué et obligé de l’animateur, le déroulement d’un pur divertissement, l’agitation festive et de l’autre la question de vie ou de mort d’une jeune femme égarée dans un tumulte insupportable.
Si le film de Massoud Bakhshi traite de faits de société comme le mariage temporaire en vigueur en Iran, de rituels ancestraux, il traite surtout de l’inhumanité de l’émission de télé-réalité, de la transformation d’un drame en spectacle de divertissement.
Le film est une réflexion sur la télévision, sur les limites largement dépassées de ce dont elle est capable pour « faire » de l’audimat…
Francis Dubois
« Yalda la nuit du pardon » – Un film de Massoud Bakhshi (Iran) – Sortie en salles le 7 octobre 2020.
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