Amy, 11 ans, a du mal à s’intégrer dans le collège où elle est inscrite. Elle croise un groupe de filles danseuses délurées appelées « Les mignonnes » qui la fascinent au point que, pour les approcher, elle s’initie à une danse sensuelle. Être reconnue par le trio devient son principal objectif sans doute pour être enfin reconnue mais aussi pour fuir une situation familiale difficile.
Depuis l’école primaire, Maïmouna Doucouré a eu la chance de tomber sur des enseignants qui intégraient le cinéma ou le théâtre à leur pédagogie. Cette initiation l’a régulièrement suivie jusqu’à la faculté et l’a incitée à écrire des pièces de théâtre et des scénarios de films. Jusqu’au jour où elle participe à un concours pour lequel elle est retenue. Elle dispose de trois mois pour réaliser son film. Elle relève le défi et réalise un court-métrage sur un problème qui la touche de près puisque son père a deux femmes, la polygamie. « Maman(s) » est remarqué au point qu’il est sélectionné dans plus de 200 festivals dans le monde et qu’il remporte 60 prix, entre autres le César du court-métrage en 2017.
Tout comme dans « Maman(s) » , dans « Mignonnes », la réalisatrice a pris le parti d’un regard à hauteur d’enfant pour tenter de mettre le spectateur dans la peau d’une petite fille de 11 ans, d’établir un lien fusionnel entre le public et le personnage principal.
Amy est tiraillée entre deux cultures à un âge délicat où il est difficile de trouver ses repères et sa propre identité. Avec ses nombreux frères et sœurs, ses deux mères et son père tous réunis dans un petit appartement parisien, la famille d’Amy ne ressemble pas aux autres.
Amy est tiraillée entre deux oppressions féminines, celle que s’est infligée sa mère en acceptant la polygamie et une autre qui l’attire irrésistiblement, l’image des trois « danseuses » dans lesquelles elle voit une supposée liberté où elle va se perdre.
Prise entre ce double mouvement, Amy revêt des atours et adopte des manières très différentes, contradictoires qui la font passer de la petite fille qu’elle est à la femme assumée.
« Mignonnes » est le portrait d’une petite fille qui grandit trop vite à la fois pour ressembler à ses « modèles » et s’en approcher, et pour se détacher d’une culture oppressante à laquelle elle ne peut adhérer. Dans sa recherche d’une pseudo liberté, elle en arrive à un point de rupture entre son corps et son esprit qui vont lui dire stop et lui demander de se laisser le temps de grandir.
Le Twerk, la danse sensuelle faite de déhanchements et autres gestes provocateurs à laquelle le trio des Mignonnes se livrent a été inspiré par une scène à laquelle Maïmouna Doucoura a assisté lors d’une fête. Les danseuses très jeunes se montraient sensuelles, sexuelles, indécentes face à des femmes qui assistaient au spectacle portant le foulard ou en tenues traditionnelles. Confrontation de deux cultures.
« Mignonnes » est le portait d’une enfance impatiente de brûler les étapes et qui agit dans ce sens avec l’innocence de leur âge.
Francis Dubois
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