Après ses brillantes adaptations d’Homère ( Iliade puis Odyssée ) et de Chanson douce de Leïla Slimani, Pauline Bayle s’est lancé dans l’adaptation du roman de Balzac.

C’est au fonctionnement du milieu de la littérature et du journalisme que s’attache le roman, trouvant des échos dans le petit monde littéraire d’aujourd’hui. Le héros, Lucien Chardon, qui se pique de poésie et préfère se faire appeler Rubempré pour rappeler les origines aristocratiques de sa mère, séduit une aristocrate d’Angoulême avec laquelle il s’enfuit pour Paris car c’est là qu’il faut être pour réussir. Abandonné par sa protectrice, il rencontre un jeune écrivain, Daniel d’Arthez, qui l’introduit dans un cénacle de poètes brillants et idéalistes, et un journaliste, Lousteau. Lucien veut réussir et vite. Il abandonne l’innocence du poète au profit du cynisme du journaliste, prêt à toutes les compromissions si la réussite est à ce prix. Et il réussit. Avec le succès viennent l’argent, les soirées fastueuses, les vêtements soignés, l’amour d’une belle actrice. Mais Lucien va s’attirer bien des inimitiés, la vengeance de son ex-protectrice et la colère de ses amis du cénacle qu’il a trahis. La chute sera aussi rapide que son ascension. Il ne lui reste plus qu’à retourner à Angoulême.

Théâtre : Les illusions perdues
Théâtre : Les illusions perdues

Balzac qualifiait ce roman « d’œuvre capitale dans l’œuvre ». Pauline Bayle a adapté les deux premières parties du roman qui retracent le parcours de Lucien de la province à Paris, de l’idéalisme de la jeunesse au monde des faux-semblants, des espoirs de gloire aux illusions perdues. L’adaptation de Pauline Bayle conserve les phrases percutantes du roman, la description précise de ce monde où l’hypocrisie écrase la sincérité et où l’art est sacrifié à la gloire rapide.

Pour mettre en scène ce héros toujours en train de jouer son avenir, Pauline Bayle a choisi une scène ouverte. Une partie des spectateurs est placée sur les trois côtés du plateau, les autres dans la salle. Les acteurs entrent comme s’ils arrivaient à l’improviste, se levant de leur siège au milieu des spectateurs. Une petite estrade suffit à figurer la scène du Panorama-Dramatique où Coralie séduit Lucien. Toute l’attention est fixée sur le texte et le jeu des comédiens. Autour de Jenna Thiam qui campe avec une émotion intense un Lucien de Rubempré, oscillant entre naïveté et veulerie, emporté par une ambition effrénée qui le mènera en enfer, ils sont quatre pour interpréter une vingtaine de rôles. Alex Fondja interprète d’Arthez le poète sincère et l’éditeur arriviste Dauriat, Guillaume Compiano est inquiétant en Lousteau, le journaliste cynique, Hélène Chevallier est une Madame de Bargeton, sacrifiant Lucien aux jugements de sa classe puis se vengeant de lui. Enfin Charlotte Van Bervesselès est une Coralie bouleversante, amoureuse passionnée tombant sous les quolibets d’une presse indigne.

C’est vivant, enlevé et la pièce, en pointant les compromissions de la presse et la marchandisation de la culture, parle aux spectateurs d’aujourd’hui. Une adaptation et une mise en scène remarquables !

Micheline Rousselet

Jusqu’au 4 avril à 21h, du 6 au 10 avril à 20h

Théâtre de la Bastille

76 rue de la Roquette, 75011 Paris

Réservations : 01 43 57 42 14


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