Théâtre : Angels in America

New York 1985, début de l’épidémie du Sida présentée par les puritains comme une punition divine à l’encontre des gays. Un avocat aussi cynique que célèbre, juif et homosexuel, refusant de reconnaître et son homosexualité et sa maladie, habitué à piétiner la justice et les institutions, est prêt à tout pour garder du pouvoir. Autour de lui des couples se font et se défont. Joe se débat entre sa religion mormone, sa sexualité incertaine et l’emprise de Roy. Harper, sa femme trouve refuge dans les médicaments, et les hallucinations qu’ils engendrent, pour échapper au quotidien familial frustrant. Prior, qui subit les premières atteintes de la maladie aime Louis, qui s’apprête, avec un énorme sentiment de culpabilité, à le quitter. Et puis il y a Belize, l’infirmier ironique et bienveillant, qui fait le lien entre tous ces hommes. Enfin il y a des fantômes et des anges qui accompagnent chacun des personnages, épiloguant sur la vacuité du rêve américain et sur l’histoire marquée par l’élection de Reagan, le triomphe de la droite dure et la chute de l’empire soviétique.

Théâtre : Angels in America
Théâtre : Angels in America

C’est la seconde collaboration de cet homme de cinéma qu’est Arnaud Desplechin avec la Comédie Française. Il avait aimé la pièce de Tony Kushner à sa création en France en 1994 et a estimé que la revisiter après la victoire de Trump était indispensable. En accord avec l’auteur il l’a adaptée pour en réduire la durée (elle durait 6 heures à l’origine) tout en conservant les allusions au climat politique et la poésie de l’écriture. Surtout il a magnifié la fièvre amoureuse qui allume la pièce.

La scénographie inventée par Arnaud Desplechin avec Rudy Sabounghi est d’une virtuosité qui émerveille. Ils n’utilisent jamais de projection de films, mais développent pour la scène nombre de procédés cinématographiques. Il y a quarante quatre changements de décor qui se font à une rapidité stupéfiante comme un montage de cinéma. Les personnages se détachent sur fond de panoramiques de la skyline de New York ou de Central Park ou se rencontrent dans des appartements typiques des années 80. Le metteur en scène utilise aussi le procédé du split-screen, la scène partagée en deux permettant de suivre deux actions simultanées, la dispute de deux des couples dont les propos s’entremêlent par exemple. Et puis il y a des anges qui descendent du ciel, pardon, des cintres. Le merveilleux THEATRAL rêvé par Tony Kushner est bien là sur la scène du Français.

Enfin il y a la distribution pensée par Arnaud Desplechin. Huit acteurs interprètent les vingt-trois personnages. Il fallait un puissant comédien comme Michel Vuillermoz pour interpréter Roy Cohn, la figure du mal qui affronte avec insolence tous les interdits, juif et antisémite, homosexuel et homophobe, viscéralement anticommuniste et capable de mentir effrontément (comme Trump dont, dans la vraie vie, cet homme fut le mentor et l’avocat). Mais tous les autres sont aussi magnifiques (Christophe Montenez, Clément Hervieu-Léger, Jérémy Lopez, Gaël Kamilindi, Jennifer Decker, Dominique Blanc et Florence Viala).

Comme le dit Arnaud Desplechin « Angels c’est Shakespeare + Brecht + Broadway ! »

Micheline Rousselet

La Comédie Française, Salle Richelieu

Place Colette, 75001 Paris

Réservations : 01 44 58 15 15

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