Pourquoi faire un portrait de la révolutionnaire mythique sauvagement assassinée en janvier 1919 par ces Corps Francs qui annonçaient les S.A et le nazisme à venir ? Parce que ses discours et ses écrits résonnent des questions qui se posent encore aujourd’hui à ceux qui rêvent d’un monde plus juste et, parce qu’au-delà de son esprit critique acéré, il y a aussi une figure ouverte, curieuse de tout, pas seulement d’histoire et de politique, mais aussi de poésie, et même d’ornithologie, de plantes, de sciences en général.
Pour dresser ce portrait Viviane Théophilidès, qui a écrit le texte et mis en scène la pièce, a tissé une partition entrelaçant les fils de l’histoire de la vie de Rosa, des extraits de ses discours et de ses écrits, le théâtre et la musique, l’hier et l’aujourd’hui.
Sur le plateau nu, quelques signes discrets nourrissent l’imagination du spectateur, des coussins pour un lit dans une modeste chambrette où la surprend la déclaration de guerre en 1914, un cadre pour la porte de la prison, trois coups de feu au loin qui signent sa mort, des bribes du Temps des cerises et de l’ Internationale à la fin, comme une mémoire qui ne se laisse pas effacer.
Sophie de la Rochefoucauld est Rosa, prononçant le discours de Stuttgart en 1898, son petit sac à main au bras, un discours qui dénonce « la langue de bois (de chêne disent les Allemands) qui enfume les cerveaux » et pose des questions qui renvoient à des problématiques toujours actuelles : le lien entre le but final, la conquête du pouvoir politique, et les luttes quotidiennes, le débat entre réformisme et révolution ou sur la place de la violence. Elle lit des extraits des lettres que Rosa écrit de sa prison à ses ami.e.s ou reçoit. Elle parle de sa vie, affirme son internationalisme, s’enflamme contre la guerre qui va anéantir les classes populaires, évoque son admiration pour la Commune et ses craintes que le marxisme tombe en de mauvaises mains.
Géraldine Agostini, au piano, se charge de l’ambiance Kabarett qui a marqué le Berlin de l’après guerre de 1914, alternant douceur et ironie. La très belle voix d’Anna Kupfer fait écho aux origines juives de Rosa avec une complainte yiddish mais navigue aussi vers la Révolution avec une chanson dont les paroles sont de Louise Michel ou vers l’internationalisme de Rosa avec un chant tzigane. Viviane Théophilidès et Bernard Vergne complètent la distribution. Tous regardent Rosa en femmes et homme d’aujourd’hui faisant écho à ses réflexions. Ils citent Marguerite Duras « le deuil du communisme est devenu notre idéologie » mais ils voient aussi en Rosa « l’ancêtre de nos rêves et de nos luttes ».
Une pièce qui nous permet de ne pas céder à la désillusion et d’entendre la petite phrase pleine d’espoir de Rosa « J’étais, je suis, je serai ».
Micheline Rousselet
Du mardi au samedi à 19h
Théâtre Les Déchargeurs
3 rue des Déchargeurs, 75001 Paris
Réservations : 01 42 36 00 50 ou www.lesdechargeurs.fr
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