Ibrahim, Suleiman, Manar et Altayeb, quatre cinéastes passionnés-idéalistes sillonnent le Soudan pour présenter, dans les villages les plus isolés, des films aux populations en évitant le filtre de la censure du pouvoir.
Ces quatre amis de toujours et animés de la même passion ont un projet ambitieux.
Leur objectif : organiser une projection gratuite dans un cinéma désaffecté de la capitale Khartoum pour attirer un public privé de cinéma depuis des années et qui en est pourtant friand, et tenter de convaincre le pouvoir, en cas de succès, de rénover une salle mythique de la ville qui porte cependant un nom dangereux : « La révolution ».
Suhaib Gasmelbari a grandi dans le Soudan des années 90, une période qui a suivi le coup d’état, où le cinéma n’existait plus et où le seul accès à la culture ne pouvait passer que par les livres qui étaient, de plus, souvent censurés voire interdits pas les autorités.
La télévision quant à elle était dominée par la propagande de « guerre sainte » que le gouvernement prêchait, à la seule exception de la projection d’un film américain par semaine qui était attendu avec impatience.
Il a fallu que le futur cinéaste aille faire ses études en Égypte puis en France pour découvrir le cinéma mais avec un retard accumulé considérable.
Alors qu’étudiant à Tours, il était persuadé que la mise en scène de cinéma était réservée à une élite, il découvre, en participant à un atelier super 8, la réalisation d’un film collectif.
Il enchaîne alors avec plusieurs courts métrages et découvre l’existence d’autres réalisateurs soudanais. Ensemble, ils forment le « Sudanèse film Group », une association équivalente à un ciné-club.
A l’image d’Ibrahim Shaddad dont les courts métrages revêtaient à la fois un contenu politique et une recherche artistique, ils se dirigent vers le cinéma d’auteur exigeant, même si au Soudan, la confection d’un film se faisait dans des conditions d’autant plus difficiles qu’ils véhiculaient des messages sociaux.
Suhaib Gasmelbari a été très sensible au travail de ces réalisateurs et en retournant au Soudan, il a voulu faire un film de fiction. Mais une telle démarche était difficile sans faire de compromis avec le régime et il a dû abandonner le projet.
C’est alors qu’il a accompagné le quatuor pour les projections qu’ils organisent dans les villages et à ces occasions qu’il a pu constater l’immense intérêt que le public avait pour les projections de films.
Et c’est de là qu’est née l’idée de faire de cet intérêt pour le cinéma, le sujet du film.
De là à ce que les quatre cinéastes itinérants deviennent les protagonistes de l’histoire, il n’y avait qu’un pas qui s’imposait.
Les quatre personnages sont des passionnés de cinéma, des amoureux du 7ème art et qui, portés par leur enthousiasme et un optimisme à toute épreuve, produisent, avec leur détermination, un acharnement qu’on pourrait situer entre l’aveuglement et la candeur.
Sur le sujet grave de la culture bridée par un régime totalitaire multipliant les tracasseries administratives pour arriver à ses fins, Suhaib Gasmelbari a réalisé une comédie franche et pourtant mélancolique amenant le spectateur à se promener entre le rire et le malaise.
Un grand film. Une belle histoire de passion partagée….
Francis Dubois
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