Juliette a quatorze ans. Elle vit à la campagne avec son frère aîné et son père depuis que sa mère a quitté la famille, officiellement pour asseoir sa carrière professionnelle aux États-Unis, mais plus certainement pour y refaire sa vie. C’est au moment du départ de sa mère que Juliette a commencé à prendre du poids et aujourd’hui, elle est la fille la plus « enveloppée » de son école secondaire.

Mais Juliette, en apparence du moins, sait donner le change, faire preuve d’une grande vivacité, se montrer drôle, frondeuse et elle affiche sans précautions une forte personnalité, la rugosité d’un caractère bien trempé.

Malgré un embonpoint qui la marginalise, elle voit grand : elle veut organiser les plus belles fêtes, aller rejoindre sa mère aux États-Unis ou vivre sa première histoire de cœur avec le plus séduisant, le plus convoité des garçons de son collège.

Le film d’Anne Emond suit Juliette au cours des quelques semaines qui précèdent les grandes vacances.

Cinéma : Jeune Juliette
Cinéma : Jeune Juliette

Anne Emond, la réalisatrice de «  Jeune Juliette  » avait quatorze ans au milieu des années quatre-vingt-dix et elle était alors une adolescente en surpoids. La sensibilité, la justesse avec lesquelles elle trace le portrait de son personnage est le signe le plus évident que l’histoire qu’elle a filmée s’inspire d’un vécu. Juliette assume-elle réellement et aussi bien qu’elle voudrait le montrer une apparence physique qui la différencie de la plupart des autres jeunes filles de son âge ?

Sa forte personnalité et sa détermination à s’accepter telle qu’elle est l’aident à tenter de tourner ce qui pourrait être un handicap à son avantage.

Le sujet du film aurait pu donner lieu à un drame mais Anne Emond qui a vécu le problème « de l’intérieur » a préféré y voir matière à en faire une comédie et elle a réalisé une œuvre certes grinçante mais qui donne la priorité à la légèreté, a une certaine luminosité narrative.

Plus qu’un film sur l’adolescence, «  Jeune Juliette  » est un film sur le regard, sur la capacité à fantasmer sur tout ce qui constitue l’environnement, les personnages comme les situations.

Anne Emond dans son film a voulu prendre le contre-pied de sa propre histoire : si elle était une adolescente complexée, effacée, rougissant à la moindre remarque sur son apparence physique, elle a, peut-être dans un esprit de revanche, fait de sa Juliette une battante.

Si les marqueurs temporels de son film sont plutôt flous, si elle a associé une image et des couleurs dominantes qui rappellent les années 80 avec des références actuelles comme le téléphone portable, c’est qu’elle à fait le choix de raconter une histoire intemporelle.

Car, que l’on soit dans les années 80 ou dans les années 2020, les grandes émotions adolescentes restent le mêmes : le premier rejet, la première histoire d’amour, la première fâcherie avec la meilleure amie.

Et tant dans le fond que dans la forme, le récit reste au niveau de Juliette, à hauteur d’un personnage qui se voudrait d’une grande limpidité mais qui agit dans une grande complexité.

L’adolescence est-elle un période délectable ou douloureuse ? «  Jeune Juliette  » répond qu’elle est les deux à fois et que la part de délectation est dans le tourment…

Un personnage et un film qui sonnent juste.

Francis Dubois


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