Théâtre : féministe pour homme

Noémie de Lattre n’a pas attendu l’affaire Weinstein et me-too pour parler des femmes et du féminisme dans ses pièces et dans son livre. Et sur ce sujet son spectacle, qui tient du théâtre, du cabaret et du stand-up est un petit bijou, qui réjouit les spectatrices, mais aussi les spectateurs auxquels elle ne manque pas de faire appel et qui semblent tout à fait d’accord avec elle.

Il faut dire qu’elle y va fort. Tandis que les derniers spectateurs s’installent, elle se prépare sur scène, enveloppée dans une serviette de bain, mettant la dernière touche à son maquillage, vérifiant que ses aisselles sont bien épilées, se parfumant et parfumant la salle qui se trouve tout de suite complice. Puis elle apparaît en tenue de danseuse de music-hall sexy et annonce la couleur. « Je suis là pour la cause et pour être aimée … Ce soir on dédramatise le féminisme, c’est un humanisme comme un autre, à l’image de l’antiracisme». Et sur ce sujet elle a beaucoup de choses à dire. Pendant une heure et demie, elle s’attaque aux discriminations les plus visibles mais surtout à celles qui sont insidieuses : les impératifs de l’apparence physique, beaucoup plus forts pour les femmes, le vocabulaire, où le masculin l’emporte toujours sur le féminin, le plaisir des femmes dont « tout le monde se fout puisqu’il n’est pas nécessaire à la reproduction », les insultes – « quel est le masculin de pute ? fils de pute » -, la charge mentale des mères, et toutes les tracasseries quotidiennes.

Avec une écriture ciselée, elle alterne légèreté et humour pour dire des choses graves. Elle trouve même le moyen d’évoquer Françoise Héritier et son concept de « valence différentielle des sexes » pour parler des dégâts séculaires du patriarcat (« c’est parti en sucette depuis la préhistoire ») et enchaîner sur le sort fait aux femmes dans les religions monothéistes, elle questionne la salle et met en cause bien des idées reçues ou des ignorances. Elle parle du plaisir féminin et, dans un grand élan pédagogique, interroge la salle sur le clitoris et surprise … en exhibe un, surprenant, en pâte à modeler.

Elle scande ses propos impertinents, parfois même féroces, de danses sensuelles (ne pas omettre d’être féminine) et de séquences burlesques. Elle n’oublie pas de laisser entre les moments de colère, dont elle prouve que c’est bon pour muscler ses fessiers (!), des moments d’émotion, comme celui où elle évoque la petite fille maladroite humiliée par sa professeure de danse.

Théâtre : féministe pour homme
Théâtre : féministe pour homme

Le titre du spectacle semble s’adresser aux hommes, mais il n’est pas question de créer une lutte des sexes. Ce qu’elle veut c’est faire appel à la réflexion de tous car elle croit à l’émergence d’hommes féministes et affirme « on a tout à gagner à avancer main dans la main ». Et pour faire avancer tout le monde rien ne vaut la pédagogie par le rire et, sur ce terrain, c’est une championne !

Dans son adresse finale « Faut pas que j’oublie » elle récapitule tout ce qu’elle n’a pas dit, ces lieux où les droits des femmes sont encore quotidiennement bafoués, celles qui sont mortes accusées parce que femmes (les sorcières) et toutes celles, libres et fortes, qui ont fait avancer la cause des femmes. On sait alors que son pari est gagné car la salle l’ovationne longuement.

Micheline Rousselet

Le dimanche à 19h et le lundi à 20h

Théâtre de La Pépinière

7 rue Louis le Grand, 75002 Paris

Réservations : 01 42 61 44 16 ou www.theatrelapepiniere.com

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