Théâtre : Féminines

Après Hors la loi, où elle s’attachait à l’histoire des femmes jugées pour avortement à Bobigny dont le procès avait ouvert la voie à la loi légalisant l’avortement, la jeune autrice et metteuse en scène Pauline Bureau s’attache cette fois à l’histoire de la première équipe de France de football féminin.

En 1968 à Reims, un journaliste, à la recherche d’une attraction à présenter avant le match de foot des pros, a l’idée de faire jouer une équipe de filles. Depuis une loi de Vichy en 1941, le foot était dans la liste des sports interdits aux femmes. Le journaliste lance des petites annonces, s’emballe pour cette équipe de filles déterminées, énergiques, décidées à se battre pour gagner. Il les entraînera et les suivra dans le parcours qui les mènera à gagner la coupe du monde de foot féminin en 1978 à Taipei. C’est à partir de cette histoire vraie que Pauline Bureau a écrit ce spectacle, imaginant leurs parcours individuels, car bien d’autres choses se jouent dans cette histoire d’équipe de foot, l’oppression ouvrière (un certain nombre des joueuses étaient ouvrières), les inégalités entre hommes et femmes dans la famille, dans la société et en particulier au travail. Pour rappel, les femmes étaient alors encore payées aux pièces tandis que les hommes étaient mensualisés. La pièce est à la fois située dans son époque, l’après mai 1968 qui a libéré des énergies et fait que « l’impensable est devenu pensable » et fait le lien avec aujourd’hui dans les costumes, la bande-son et les revendications des femmes.

Théâtre : Féminines
Théâtre : Féminines

La scénographie choisie par Pauline Bureau avec Emmanuelle Roy est spectaculaire. En haut de la scène le monde de l’usine avec la chaîne et les femmes les mains attachées pour éviter que la presse en descendant ne risque de leur couper un doigt. Les gestes se répètent et la fatigue se fait sentir dans les postures. En bas, de part et d’autre de la scène, deux espaces intimes, la chambre de Rose et Franck et la salle à manger des parents de Marinette, la benjamine de l’équipe. A l’avant du plateau enfin, les vestiaires avec les douches et les portes qui mènent vers les sorties et le stade. C’est là que se passe l’essentiel, les analyses, les encouragements, les éclats, les engueulades et les confidences Mais il fallait que le sport soit réel et pas seulement évoqué sur le plateau. C’est le rôle de la vidéo de Nathalie Cabrol qui se déploie sur toute la longueur du plateau. On y voit les filles s’entraîner au stade, courir, jouer des match. Des gros plans de leurs visages permettent de lire la fatigue, la sueur, les déceptions, les espoirs et les joies. L’articulation entre les moyens de la scène et ceux du cinéma se fait de façon très naturelle.

Une équipe de foot, c’est un collectif, avec ses victoires, ses défaites, ses doutes et ses engueulades, un peu comme au théâtre dit Pauline Bureau, qui a l’habitude de travailler le plus souvent avec les acteurs de sa compagnie. Il faudrait tous les citer car ils sont tous excellents, Sept actrices, les joueuses, avec chacune leurs particularités familiales et sociales. Camille Garcia est particulièrement remarquable dans le rôle de Marinette, que cette aventure accompagne dans son passage de l’adolescence au statut de femme. Trois acteurs, dont le journaliste devenu leur coach joué par Nicolas Chupin. Au début il n’y croyait guère à cette équipe, c’était juste une attraction avant le vrai match, celui des hommes. Puis il a su voir ces filles, leurs capacités, leur envie de gagner. Un rapport d’empathie, d’amitié s’est établi et il s’est entièrement dévoué à leur réussite.

Il n’est nul besoin d’aimer le foot pour être emballé par ce spectacle à la fois passionnant, émouvant et drôle. Les spectateurs ne s’y sont pas trompés qui lui a fait un triomphe aux Abbesses.

Micheline Rousselet

Du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h

Théâtre de la Ville-Les Abbesses

31 rue des Abbesses, 75018 Paris

Réservations : 01 42 74 22 77

En tournée ensuite : le 10 décembre Théâtre Roger Barat, Herblay (95), 16 au 20 décembre au CDN de Dijon, le 9 janvier Le Pont des arts à Cesson-Sévigné, 14 et 15 janvier au Granit à Belfort, le 21 janvier au Théâtre de Fos-sur-mer, le 24 janvier au Théâtre Le Liberté à Toulon.

D’autres dates à trouver sur le site de la compagnie La part des Anges

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