Joëlle, tout juste diplômée « auxiliaire de vie », vient d’être embauchée comme gardienne de nuit par la fille de la vieille et très riche Madame Chevalier. Celle-ci en vieille dame acariâtre qui n’a nulle envie de quelqu’un chez elle commence par traiter Joëlle avec morgue et mépris, quand une jeune fille sonne à la porte, la fille de Joëlle. Entre la vieille dame riche, à l’indépendance d’esprit séduisante mais parfois assez odieuse, l’auxiliaire de vie modèle de probité et de dignité, contrainte de passer les nuits hors de chez elle, loin de son mari, exposée aux caprices et aux remarques désobligeantes de sa riche employeuse et la jeune fille mère célibataire et chômeuse, en révolte contre le sort qui l’a fait naître du mauvais côté de la vie, va se nouer une relation faite de heurts, de mensonges, de dialogues sans fard où la tendresse va peu à peu faire son chemin. Entre elles les relations sont parfois très tendues, les mots sont durs mais leur humour et leur capacité à aimer les fait avancer. De rebondissements en quiproquos les trois femmes vont explorer le labyrinthe des relations mère-fille, passer au-dessus des barrières de classe et, pour Madame Chevalier, chercher à connaître encore un peu de tendresse pour échapper à la solitude de la vieillesse.
Catherine Anne a trouvé un ton très juste pour parler des relations entre générations et entre classes sociales. Elle signe aussi la mise en scène qui fait coexister le fauteuil à oreille du salon bourgeois de Madame Chevalier d’un côté, et la table de cuisine du petit appartement de Joëlle, de l’autre.
Elle a surtout choisi trois actrices formidables. Catherine Hiegel est impériale. Elle a l’autorité hautaine et méprisante de celle qui cherche encore à tout contrôler mais va peu à peu révéler sa fragilité face au manque d’amour et à la vieillesse qui la rapproche à grands pas de la mort. Elle est tout ce que le théâtre peut apporter de plus beau dans l’expression des sentiments humains. Face à elle ses deux partenaires tiennent parfaitement la comparaison. Clotilde Mollet est l’auxiliaire de vie, une belle figure de femme du peuple, droite et honnête, qui veut garder son emploi mais saura dire non pour défendre sa dignité avec force. Milena Csergo est sa fille qui n’en peut plus de toute cette injustice, prête à tout tenter pour sortir de la pauvreté qui lui colle à la peau, pour trouver un emploi qui lui permette de vivre mieux que sa mère, mais qui, au final, reste proche des valeurs de sa mère.
Un peu de cruauté, de l’humour, de la colère, un aveu qui fend l’armure, un verre de vin partagé, une photo qui révèle la vérité, de la tendresse, la vie éclate sur la scène et nous entraîne du sourire au bord des larmes.
Micheline Rousselet
Du mardi au samedi à 19h, le dimanche à 16h
Théâtre du Lucernaire
53 rue Notre-Dame-des-Champs, 75006 Paris
Réservations : 01 45 44 57 34 ou www.lucernaire.fr
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