Pour prendre un poste d’employée au service municipal de l’hygiène, Juliana quitte les quartiers du centre ville d’Irauna où elle vivait avec son mari pour la métropole de Contaguem, au Brésil. Elle intègre une équipe d’agents chargés, avec le contrôle des jardins et terrasses, de déceler la présence de moustiques à l’origine du virus de la dengue.
Tandis qu’elle attend l’arrivée de son mari dont elle est sans nouvelles, elle s’adapte à sa nouvelle vie, noue de nouveaux liens et essaie de surmonter son passé.
Des films comme « Temporada », « Ne croyez surtout pas que je hurle » ou « Au bout du monde » de Kurosawa révèlent qu’il existe bien un phénomène de magie du cinéma et que l’image de cinéma peut, dans une économie narrative,sans faire la moindre concession aux appâts narratifs, totalement fasciner.
Trois films d’origine différente puisque qu’ils proviennent de cultures sans évidente parenté, le Japon pour « Au bout du monde », le Brésil pour « Temporada » et la France pour « Ne croyez surtout pas que je hurle » en sont la preuve.
Comment un tel minimalisme narratif peut-il engendrer un tel foisonnement de l’image, un telle densité narrative, provoquer tant d’intérêt et nous éclairer efficacement, sans tambour ni trompette, sur l’état du monde ?
Comment une image anodine qui montre une femme « ordinaire » dans des situations qui le sont tout autant, peut-elle passionner ( Temporada ) ?
Comment les pérégrinations d’une jeune reporter chargée de préparer une émission de télévision, surprise dans l’exercice de sa fonction, au milieu d’une équipe où elle a du mal à trouver sa place, peut-elle nous garder pendant plus de deux heures, avec une attention constante, dans notre fauteuil.(« Le bout du monde ») ?
Comment une voix off sur un défilé d’ images qui sont en fait de minuscules extraits de films, peut nous tenir en haleine pendant plus d’une heure et résonner autant et rejoindre nos inquiétudes actuelles profondes. (« Ne croyez surtout pas que je hurle ») ?
Le cinéma qui raconte une histoire exemplaire de façon linéaire, sans se priver de bons sentiments confortables à ressentir devrait avoir fait son temps et laisser à la télévision le soin de nous en faire la proposition, exemples : « Trois jours, une vie » de Nicolas Boukhrief ou « Ceux qui travaillent » qui sont des ouvrages routiniers, d’une grande platitude qu’en leur temps, les réalisateurs de la Nouvelle Vague auraient dénoncés.
« Temporada » appartient à ce mouvement novateur de films qui ne portent aucun jugement, se contentent de rendre compte de l’existence d’un monde laborieux, peu exigeant, résigné qui porte sur ses épaules la vraie responsabilité de la marche du monde ; Les personnages ne répondent à aucun des critères dont se réclament nos sociétés perverties par les modes qui nous sont imposées, les images qui nous servent de référence.
Dans une suite de moments qui constituent le quotidien de ces petites gens, un quotidien répétitif et sans relief, qu’éclaire parfois un simple moment de répit, de plaisir ou d’échange, l’arrière plan politique surgit dans ce qu’il impose d’étouffement et la résignation, une servitude qui cependant ne parviendra jamais à porter atteinte à leur dignité, dans une sorte de réflexe triomphant.
Juliana répond à toutes les exigences d’un système qui la tient prisonnière en lui fermant les portes de la culture, du plaisir.
Une histoire en apparence minuscule mais en réalité tellement ample
Du grand cinéma.
Francis Dubois
Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.
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