Martin Eden, un jeune marin voué à ne jamais quitter le milieu prolétaire qui est le sien va, grâce à sa nature curieuse et ambitieuse et au bénéfice de rencontres favorables, voir se dessiner une carrière d’écrivain qui le conduira à la reconnaissance et au succès. Il va conquérir l’amour d’une jeune et belle bourgeoise et par là, s’introduire dans un monde qui le fascine mais dont il découvrira au final qu’il n’était pas pour lui.
Le roman de Jack London qui a pour thème central le conflit de classes à travers la culture, a été pour nombre de jeunes lecteurs sur plusieurs générations, un roman d’initiation.
« Martin Eden » est le portrait d’un autodidacte ; le déroulement d’un itinéraire et la volonté farouche d’un jeune prolétaire dont l’objectif qu’il s’était fixé un fois atteint lui aura procuré une reconnaissance mais l’aura en contre partie, éloigné de ses origines sociales.
Pietro Marcello et son scénariste Maurisio Braucci qui avaient écrit ensemble le film précédent « Bella et perduta » se sont penchés sur l’adaptation du livre de Jack London selon une narration par ellipses rythmée par une série de flash backs qui racontent le parcours de Martin avant qu’il rencontre le succès.
Le film n’est pas une simple adaptation à l’époque actuelle du roman.
Jack London y raconte l’histoire de ceux qui ne sont pas intellectuellement formés dans la famille ou à l’école mais à travers des éléments de culture glanés en chemin au gré de rencontres qui, chacune à sa façon leur aura procuré les moyens d’un éveil à la culture et l’accès au charme de la reconnaissance sociale via le succès.
Pietro Marcello respecte la linéarité de l’histoire d’une vie exemplaire depuis la découverte de la lecture jusqu’au plaisir de l’écriture en passant par l’ivresse de la création.
Viennent s’intercaler, sous le forme d’images surannées, des séquences qui renvoient au passé et des scènes en décalage. Elles apportent au récit une coloration poétique qui fait que le film baigne à la fois dans un réalisme teinté de mélodrame et, à travers le regard de Martin Eden, dans des univers légèrement décalés.
Ce qui était perceptible dans « Bella e perduta » qui était du domaine du conte avec des détours du côté de la comedia dell’arte et relevait d’un lyrisme assumé, se glisse avec bonheur dans le récit réaliste de la libre adaptation du roman de Jack London.
Il résulte au final de l’adaptation d’une œuvre mythique qui aurait pu se voir corsetée par un souci de respect, un film infiniment personnel, un récit aussi touchant que cruel, aussi généreux qu’il est égoïste…
Il faut aller voir…
Francis Dubois
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