C’est en 1998 au moment où arrivent les premières émissions de télé-réalité que Falk Richter a écrit cette pièce. Le dramaturge et metteur en scène allemand, qui travaille pour les plus grands théâtres européens et dont on peut voir à l’Odéon en ce moment I am Europe , s’est toujours considéré « comme un chroniqueur de son époque ». Transformations du travail, envahissement de notre quotidien par les écrans, progression fulgurante de l’individualisme, tout cela est au cœur de son œuvre. Et de Dieu est un DJ.
Deux individus, lui est DJ, elle anime une émission quotidienne de télévision, se rencontrent et se lancent dans un projet : vivre en commun et mettre toutes les images de leur vie, de leur intimité sur une chaîne de télévision grâce à une caméra qui les filme en permanence. Ils vont mixer sons et images comme une chronique de vie livrée en continu sur la toile. Une fois la performance commencée, il n’y a plus de silence, elle parle en permanence, tout est dit, montré, le vrai comme le faux. L’important est de capter l’attention des téléspectateurs pour remplir le vide de leur vie. Tous les actes de la vie quotidienne du couple sont évalués en termes de gains d’audience qui permettront de gonfler sa rémunération.
Quelles sont leurs peurs, leurs aspirations, leurs désirs ? Quelle est la place pour le travail et pour l’intime ? Régulièrement elle évoque un désir d’enfant, mais quelle pourrait être sa place dans la petite entreprise qu’est devenue leur couple ?
L’écriture rythmée de Falk Richter entre en résonance avec la musique du DJ. Le metteur en scène Patrice Bigel a créé un univers sonore dont la pulsation et la fièvre contrastent avec le décor froid, comme ce monde vide et ouvert à tous les vents, où évoluent les deux personnages. Il dirige deux très bons acteurs Mara Bijeljac et Simon Cadranel qui incarnent à merveille la façon dont l’agitation quotidienne n’arrive plus à masquer le vide, le désenchantement et l’insatisfaction des jeunes gens qu’ils interprètent. Ils se succèdent devant la table de mixage ou s’y retrouvent car ils ne fournissent pas seulement les images de leur vie mais aussi sa bande-son. Leur vie semble se résumer à des désirs éphémères et vains dont la satisfaction ne leur apporte qu’ennui et mélancolie.
Micheline Rousselet
Vendredi et samedi à 20h30, dimanche à 18h
Usine Hollander
1 rue du Docteur Roux
94600 Choisy-le-Roi
Réservations : 01 46 82 19 63
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