Si Zola est bien connu, Madame Zola l’est bien moins. On sait juste que, venue des bas-fonds, elle s’est hissée à la hauteur d’un des écrivains les plus célèbres de son temps, qu’elle l’a soutenu dans son combat dans l’affaire Dreyfus, qu’elle a travaillé à la survie de son œuvre après son décès et qu’elle a eu la générosité d’adopter les deux enfants qu’il avait eu de sa maîtresse Jeanne. Après avoir lu la biographie qu’Évelyne Bloch-Dano lui a consacrée, Annick Le Goff a eu l’idée de faire d’Alexandrine Zola l’héroïne d’une pièce aux dialogues enlevés. Catherine Arditi s’est intéressée à cette femme volontaire, énergique, indépendante et généreuse et a accepté de l’incarner.
Après avoir accompagné les cendres de son mari au Panthéon, comme un second enterrement où on l’aurait dépossédée de cet époux aimé et admiré, Madame Zola se laisse envahir par ses souvenirs. La conversation avec son petit chien ne lui suffisant pas, elle fait appel à Monsieur Fleury, son pharmacien. Il commence sa cure par des médicaments insolites, escargots couverts de chocolat par exemple. Peu à peu elle va lui confier ses tourments, ses chagrins. La psychanalyse naissant à cette époque, Annick Le Goff s’est amusée à faire de Monsieur Fleury écoutant les confidences de Madame Zola une sorte d’analyste avant l’heure. Mais comme entre eux se noue une relation d’amitié empreinte d’humour, il va, lui aussi, raconter à Madame Zola les tourments de sa vie de couple.
La metteuse en scène Anouche Setbon a joué de l’évolution de la relation des deux personnages. Dans son salon bourgeois, Madame Zola, en robe noire, parle à son petit chien dont on entend les aboiements hors scène, puis téléphone à Monsieur Fleury. Celui-ci se présente, embonpoint de notable, froid, professionnel et persuadé de la scientificité de ses remèdes d’apothicaire, dont doute un peu Madame Zola. Au fur et à mesure des scènes, il va s’asseoir derrière elle pour écouter Alexandrine, allongée sur une méridienne, dévoiler les petits secrets de sa vie avec son grand homme de mari. Encouragé par la franchise de sa patiente, lui aussi va parler de sa vie conjugale. Mais à la fin c’est lui qui présente sa note !
Catherine Arditi incarne bien les différentes facettes du personnage d’Alexandrine Zola. Volontaire, indépendante, ne s’en laissant pas compter et disant les choses telles qu’elles sont, elle est drôle, pleine de vie et de réparties, mais elle laisse aussi entrevoir les failles d’Alexandrine, son chagrin d’être une femme trompée. Pierre Forest lui donne la réplique avec humour et sensibilité.
Un duo qui permet de sortir de l’ombre une femme passionnée, anticonformiste et trop souvent oubliée. Presque toujours derrière l’ombre d’un grand homme, il y a une femme !
Micheline Rousselet
Du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 17h
Petit Montparnasse
31 rue de la Gaîté, 75014 Paris
Réservations : 01 43 22 77 74
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