Lila est folle amoureuse de Rémi, un garçon séduisant mais volage dont elle a découvert récemment l’infidélité. Elle est déterminée à défendre son amour en perdition et à éliminer sa rivale du moment.
Elle chausse le masque de la furie, adopte une attitude insistante et farouche qui pousse Rémi à entreprendre un voyage lointain dont il pense qu’il va lui permettre d’y voir plus clair sur lui-même et sur la relation étroite qui le lie à Lila.
L’éloignement physique ne sera pas la solution et quand Lila découvre l’infidélité persistante de Rémi contre toutes les promesses qu’il a faites, elle va tenter de faire le deuil de son amour.
Commence alors pour la jeune femme, entre multiplication des rencontres, perpétuelles discussions censées clarifier son état d’amoureuse éconduite, encouragements à rompre ou à persister qui pleuvent de toutes parts, une sorte de recherche éperdue à guérir, à faire peau neuve.
Le deuil d’une histoire d’amour est une histoire universelle. C’est ici l’histoire d’une jeune femme qui essaie à l’aveugle de comprendre ce qui lui arrive, alors que la situation est perdue et qu’il n’y a rien à comprendre qu’à s’en remettre à l’évidence.
Lila rentre dans un processus qui pourrait aussi bien déboucher sur l’apaisement que sur un redoublement de la souffrance.
Le cœur est hermétiquement prisonnier tour à tour du déni, de l’espoir, de la jalousie et de la colère, des états qui, au fur et à mesure que se multiplient les tentatives de libération, apportent en signe de guérison un apaisement qui se déchiffre dans l’intérêt chez Lila à se soumettre aux remèdes que les uns ou les autres lui préconisent.
L’écoute et la curiosité viennent bientôt modifier le masque de la jalousie et de la colère.
Elle saura désormais qu’elle ne devra compter que sur elle et sa volonté de sortir son pas de l’ornière.
Hafsia Herzi pourrait ne nous donner à voir que les visages de la colère, de la jalousie et la souffrance mais elle nous place en spectateurs face à ce que la situation de Lila a de pathétique mais également, à ce qui s’en dégage de drôle et parfois de franchement cocasse.
C’est là que son récit devient personnel et qu’elle retrouve tout le bénéfice d’une écriture lucide et très contemporaine qui lui permet de remettre les choses à leur place dans une histoire qui pour être banale n’en reste pas moins drôle et douloureuse.
Elle soigne ses personnages secondaires qui sont, sur un plan scénaristique pur, des archétypes mais qu’elle assume en tant que tels : le confident homosexuel, les amies de toujours redoutablement conseillères, le couple libertin ou le défilé des amoureux postulants à la succession recrutés en ligne.
La rencontre avec Charly, personnage à contre courant de tous les autres, mettra un terme à la période de deuil et de tâtonnement hasardeux.
Hafzia Herzi réussit avec ce film à la fois abouti et prometteur qu’elle a auto-produit mais qu’elle a réalisé avec exigence, avec des techniciens et des comédiens de son choix, fait son entrée dans la cour des grands et Abdellatif Kechiche qui l’avait révélée dans « La graine et le mulet », à qui elle voue reconnaissance et admiration, peut être fier d’être ce « parrain » de cinéma.
La distribution est parfaite. Une mention spéciale, cependant à Anthony Bajon, merveilleux Charly à qui Cédric Kahn qui ne s’y était pas trompé avait confié le rôle principal de « La prière ».
« Tu mérites un amour » est le titre d’un poème écrit par Frida Khalo, peintre et photographe mexicaine…
Francis Dubois
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