A Roubaix, une nuit de noël. Pour le commissaire Daoud qui sillonne la ville où il a grandi, c’est la routine, voitures brûlées, altercations…
Dans son service, vient d’arriver Louis Coterelle, fraîchement diplômé de l’École de Police.
Daoud et lui vont désormais faire équipe et pour commencer leur collaboration, faire la lumière sur le meurtre d’une vieille dame.
Deux jeunes voisines, Claude et Marie qui vivent en couple sont interrogées. Toutes deux démunies, marginales, alcooliques, qui connaissaient l’aïeule, étaient à proximité au moment de l’assassinat. Elles nient être au courant de ce qui a pu se passer…
Après une filmographie qui totalise douze titres qu’avec le recul du temps il juge (trop) romanesque, Arnaud Desplechin souhaitait réaliser un film qui colle au réel de toutes parts, qui reprenne un matériel brut enflammé par l’art de l’acteur.
Il a souhaité ne rien offrir à l’imagination, ne rien inventer, mais retravailler des images de femmes coupables ou victimes qu’il avait vues à la télévision il y dix ans et qui sont restées présentes à sa mémoire : celle de la vieille Lucette, d’une jeune femme violée et de l’amie qui l’accompagnait, d’une jeune fugueuse et surtout celle de deux meurtrières…
C’est à partir de ce matériau qu’il a construit « Roubaix, une lumière » mais aussi avec ce qui fut pour lui un guide cinématographique, « L e faux coupable » d’Alfred Hitchcock, le fait divers rendu à sa brutalité, son énigme, l’énigme du vrai.
Le commissaire Daoud n’a pas oublié ses origines sociales et il garde un regard bienveillant sur les oubliés de la société de la ville. Il se montre aussi humain que lui permettent les limites de sa fonction, du respect de la règle et de la loi.
De Daoud, Arnaud Desplechin a fait un personnage solitaire mais foncièrement généreux et notamment dans l’extrême attention qu’il porte aux autres. Il l’a imaginé sans famille ni religion mais comme quelqu’un qui, du premier regard, sait reconnaître le mensonge de la vérité.
Étranger dans sa propre ville, honni par sa famille, il s’identifie à tous ceux qu’il croise, sait lire en chacun sa part d’humanité comme celle de cruauté. Et s’il amène les deux criminelles à avouer leur forfait et s’il pousse jusqu’à les amener à la reconstitution des faits, c’est bien sûr pour l’issue de l’enquête mais aussi pour permettre aux deux filles de se lester du poids inutile du silence.
Roschdy Zem compose un Daoud magnifique, sensible, rassurant et plein de toute la bienveillance que lui permet sa fonction.
Face à lui, un couple de comédiennes inattendu composé de Léa Seydoux et de Sara Forestier toutes deux parfaites en personnages jeunes mais déjà cassés, chez qui le crime commis semble avoir été inscrit depuis toujours dans leur vie misérable, où la seule lueur vient de l’amour qui les lie.
Une œuvre magistrale, totalement aboutie.
Francis Dubois
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