Cécilia et Diego qui viennent d’aménager dans une bourgade de la Terre de Feu, à l’approche de la quarantaine, n’ont jamais réussi à avoir d’enfant. Ils ont constitué une dossier d’adoption et ont attendu longtemps une réponse.
Lorsque celle-ci arrive qui les invite à aller accueillir l’enfant dans un délai très bref, ils sont partagés entre la joie et la panique.
Comme si, avec l’arrivée de la lettre, ils prenaient soudain réellement conscience de la mesure de l’engagement, comme si avec le présence imminente de l’enfant inconnu, ils prenaient pour la première fois vraiment la mesure de leur acte.
Joël n’est pas le bébé qu’ils avaient imaginé mais un garçon de neuf ans qui a derrière lui un passé chaotique et qui est issu d’un milieu très éloigné du leur.
« Joel, une enfance en Patagonie » explore les thèmes récurrents du cinéma de Carlos Sorin et notamment, l’idée de l’abandon.
Il ressort d’une statistique que les couples en désir d’adopter préfèrent accueillir un très jeune enfant plutôt qu’un pré-adolescent même si chacun sait que, dans un cas comme dans l’autre, les adoptés ont le même besoin et les mêmes carences.
Cécilia et Diego, de toute évidence, ne se sont pas engagés à la légère. Ils se sont largement documentés et ont mûrement réfléchi au sujet mais ce genre de préparation, si elle est utile, ne couvre jamais la totalité de ce qui peut survenir dans les faits, le moment venu.
Le film de Carlos Sorin qui aborde un sujet souvent traité au cinéma, sonne juste.
Il a été construit du point de vue de Cécilia, un personnage dont le contour est finement dessiné, à la fois femme forte et volontaire, à la fois déterminée et sans cesse confrontée au doute.
Les difficultés qui ne manquent pas de survenir sont distillées avec mesure surtout quand elles relèvent de l’imparable, du passé de l’enfant et de l’impact du peu de culture dont il a bénéficié mais assez cependant pour marquer une différence en de nombreux points avec ses parents adoptifs.
L’originalité de ce film au tracé linéaire qui ne s’attache qu’au traitement de son sujet, vient surtout du cadre et du lieu où il se déroule, cette petite bourgade de la Terre de feu où réside une mini société corsetée dans des principes et pour la plupart dictés par la ligne de la religion.
Mais la force du récit tient beaucoup à la présence et à l’interprétation du jeune comédien qui interprète le rôle de Joël, une espèce de « boule de résistance » qui ne lâche rien de son opacité, du mystère de son passé et des ses origines.
« Joël, une enfance en Patagonie » est un film dont le tracé linéaire trouve son originalité hors de son sujet traité, où la simplicité narrative n’a d’égale que son efficacité.
Travaillant sur la fiction réaliste, Carlos Sorin utilise les moyens nécessaires et pas plus, pour que la narration serve efficacement le sujet.
Si le sujet principal de son film est l’adoption, c’est aussi l’école, jalouse de sa tranquillité qui parfois, reflète de façon dramatique et sans tabou les sentiments de discrimination de la société.
Francis Dubois
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