Cette question appelle toujours ou presque la même réponse « Bien » ! Pourtant quand on est une comédienne qui vient d’avoir cinquante ans, qu’on a un mari informaticien au chômage et un fils adolescent suffisamment paumé pour annoncer qu’il fait allégeance à l’État Islamique, on peut en douter. Florence est une femme décidée, indépendante, une actrice, mais arrivée au milieu de sa vie, elle s’interroge sur le désir qu’elle peut encore susciter chez les metteurs en scène. Son mari vient de maltraiter son conseiller Pôle Emploi et lui reproche de ne plus coucher avec lui, tout cela devant sa meilleure amie, qui ne pense qu’à son médicament qui n’est plus remboursé, et le fils de celle-ci obsédé par les femmes, qui le quittent, et … les fesses de Florence !
La metteuse en scène Raphaëlle Cambray cherchait, pour son amie l’actrice Florence Pernel, une pièce sur une femme de cinquante ans, une actrice confrontée à la fuite du temps. Stéphane Guérin la leur a écrite. Le résultat est une comédie amère et noire, qui s’inscrit dans notre époque, sur fond de jeunisme, de quête identitaire et d’égoïsme. Dans ce couple la fatigue s’est installée et le désir de l’un ne rencontre plus celui de l’autre. Chacun est dans sa bulle, dit ce qui lui passe par la tête et, s’il semble écouter les autres, ne le fait que distraitement parce que trop préoccupé par ses propres inquiétudes. En dépit de quelques longueurs, le résultat est drôle mais féroce aussi sur ce qu’il révèle de notre rapport aux autres, à leurs émotions, à leurs angoisses.
Respecter le percutant des dialogues tout en gardant la distance de ceux qui ne s’écoutent pas vraiment, les actrices et les acteurs y réussissent fort bien. Raphaëline Goupilleau est l’amie qui boit trop, qui veut faire plaisir et offre des cadeaux pas possibles, mais qui cache mal son angoisse de la solitude et de la mort. Pascal Gautier est son fils, chien fou obsédé par les femmes et qui a très envie d’une Florence qui ne se sent pas du tout couguar. Patrick Catalifo, deux fois nominé aux Molière, incarne Paul, le mari, et donne au personnage toute sa complexité. Presque lisse il n’hésite pourtant pas à poser en toute impudeur des questions intimes à sa femme devant l’amie de celle-ci. Centré sur lui-même, sur son désir il regarde sa femme sans s’interroger sur ses préoccupations, pas plus que sur celles de son fils. Florence Pernel est Florence. Spirituelle, indépendante, elle analyse clairement les choses et ne veut plus être une proie pour les hommes qui l’entourent. Mais l’actrice révèle aussi les failles de son personnage, sa peur de la vieillesse qui approche sonnant la fin de sa vie d’actrice, son profond égoïsme aussi, qui la laisse totalement indifférente face à la détresse de son fils.
On est loin de la mièvrerie de nombre de comédies et l’interprétation lui apporte une cruauté qui lui donne une profondeur surprenante.
Micheline Rousselet
Tous les jours sauf les 9, 16 et 23 juillet à 16h10
Théâtre La Luna
1 rue Séverine, 84000 Avignon
Réservations : 04 90 86 96 28
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