Simon a tout de suite aimé Lucie quand il l’a rencontrée dans la cour de récréation et qu’elle lui a parlé de Jane Austen. Simon, assis à une table devant une feuille de papier, se souvient de Lucie qui, peut-être par peur de cet amour fou, l’a un jour laissé avec sa mobylette, pour s’intéresser à un autre garçon un peu plus vieux, un peu plus sage, qui lui proposait de l’emmener en bateau. Jusqu’où peut-on aller par amour ? Le temps peut-il guérir la douleur de la rupture quand on est prêt dédier à cet amour sa vie entière, à aller jusqu’au bout de la souffrance, à se faire mal physiquement pour ne plus avoir le mal d’aimer sans espoir.
Diastème, écrivain, metteur en scène de théâtre et de cinéma, auteur de scénarios pour Christophe Honoré et Antoine de Caunes a écrit ce texte bouleversant. La pièce est construite comme un retour sur les souvenirs de Simon, sur ce plongeon dans la souffrance et la folie. Chacun y trouve le souvenir de son premier grand chagrin d’amour, les ruses déployées pour tenter d’apercevoir l’aimé(e), de l’entendre, même si c’est au travers d’une boîte vocale, les bassesses auxquelles on est prêts pour la ramener. Mais Simon va plus loin. Simon veut avoir Lucie dans la peau au sens propre et il sombre. Diastème trouve les mots qui touchent juste « Crache-moi dessus ! Taillade-moi les veines, le cou, les cuisses, les bras ! Mais pense à moi. Surtout, juste, pense à moi ». Pour autant le texte reste sur le fil du rasoir et ne s’abîme pas dans la noirceur. On est triste, on a peur pour Simon, mais on sourit aussi car il y a de l’humour dans sa rage.
La mise en scène de Adrienne Ollé et la scénographie de Suzanne Barbaud ont joué sur ces passages du drame à l’humour et à la digression. Des sources lumineuses apparaissent et viennent peupler la scène. L’acteur les fait descendre des cintres, les balance rageusement. La lumière augmente peu à peu conduisant Simon vers la vie sans que cet amour ne s’efface jamais car il le définit.
Simon Fraud est Simon. Il dit son désespoir, sa rage, son humour aussi. Il est le médecin de l’hôpital psychiatrique, « la petite » qui se meurt d’anorexie sans savoir pourquoi, tandis que Simon lui sait qu’il « est passé si près du bonheur ». Il est bouleversant dans ce texte qui s’accroche à la peau et brise le cœur.
Micheline Rousselet
Du 5 au 27 juillet à 18h25
Théâtre Artephile
7 rue du Bourg Neuf, 84000 Avignon
Réservations : 04 90 03 01 90
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