Trois frères israéliens, jeunes trentenaires, se retrouvent à l’occasion de la mort de leur père, dans le kibboutz de leur enfance. Avishai, le benjamin de la fratrie, doit partir après les obsèques rejoindre avec sa section la frontière libanaise où un nouveau conflit vient d’éclater. Il sollicite les conseils des deux aînés ayant déjà servi dans l’armée à l’occasion d’affrontements similaires.
Si Itaï souhaite endurcir Avishaï pour mieux le préparer aux épreuves qui l’attendent, Yoav lui, n’a qu’une idée en tête : l’empêcher de partir au front.
Dans ce Kibboutz hors du temps, sous le regard d’une mère résignée et d’une tante rodée à la situation du pays, le testament du père va réveiller des blessures secrètes et des souvenirs d’enfance enfouis.
Pour l’écriture de son film, Yona Rosenkier s’est inspiré d’un moment de sa vie où, fermier dans un Kibboutz, il a reçu la visite de son jeune frère juste avant qu’il ne parte rejoindre le front libanais.
Son frère aîné était également présent et tous les trois ont passé un week-end sachant qu’à tour de rôle, il seraient tous les trois amenés à aller au combat dans un avenir prochain.
Dans son souvenir, le Kibboutz de son enfance était un lieu paisible où les sirènes d’alarme débranchées, le calme finissait par régner alors qu’il se trouvait dans une région pourtant pilonnée par les bombes.
Dans le souvenir, le lieu bénéficiait d’une atmosphère irréelle digne d’un western figé dans le passé, quelque part dans les montagnes à l’ouest de la Galilée.
Ces souvenirs, en touchant à l’intime, illustrent un aspect fondamental d’Israël comme le pays atteint par les conflits sans cesse reconduits.
Le film parle du quotidien des israéliens qui doivent vivre avec le poids terrible de la culpabilité et du doute, de la honte d’avouer des blessures invisibles sans jamais se départir d’un certain sens de l’humour, de la dérision et du goût du risque et de l’absurde.
Un pays où la guerre, dont beaucoup ne comprennent pas toujours le pourquoi, ne s’arrête jamais avec des moments de répit pendant lesquels on attend le retour de la guerre.
Lorsque la guerre nécessite un départ au front, les mêmes questions récurrentes se posent à ceux qui endossent l’uniforme militaire : « Est-ce que ça va durer », « Est-ce que je vais mourir ? » « Est-ce que mon frère va mourir? » et la peur est permanente, peur d’y aller, peur du combat.
Dans « Un havre de paix » s’exprime le poids du devoir qui pèse sur les jeunes soldats qui risquent leur vie mais doivent obéir à une injonction de masculinité de plus en plus toxique, qui se transmet de père en fils.
Avant un départ au combat comme au retour d’une période passée au front, le Kibboutz est vécu par les trois frères comme un havre de paix.
En éloignant le film d’une guerre qui reste hors-champ mais dont on entend les signes au loin, Yona Rosenkier n’a pas réalisé avec « Un havre de paix « , un film sur la guerre.
Pourtant, à chaque fois qu’une explosion de fait entendre, ceux qui sont allés au front, qui en sont revenus ou s’apprêtent à y aller sont renvoyés à l’idée de la mort ne pouvant s’interdire de penser que ce qui, depuis le Kibboutz peut apparaître comme un bruit de fond, a pu provoquer la mort d’hommes.
Pour réaliser un premier film sur la réalité de l’engagement « patriotique », Yona Rozenkier a décidé de jouer le rôle d’Itaï le frère aîné et de donner à ses deux frères ceux d’Avishai et de Yoav, les cadets et cela, sans doute pour aller au plus près du constat d’une réalité, celle de la peur et du doute qui ne quittent jamais des jeunes hommes qui aspirent à tel point à une existence apaisée qu’ils trouvent, derrière les bruits de la guerre, au milieu des combats, un paradis fabriqué et provisoire.
Francis Dubois
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