Paula, une jeune étudiante libre et insouciante est inconsolable depuis le jour où elle a assisté à l’assassinat de son père, un professeur d’université activiste, en plein jour au centre de la ville de Medellin.
Exaspérée par la lenteur de l’enquête, des policiers qui ont d’autres affaires à traiter, elle décide de prendre les choses en main et part à la recherche du tueur dont elle a à peine pu apercevoir le visage au moment du crime.
Le hasard veut que dans une boite un soir, elle le reconnaisse et trouve le moyen de rentrer en contact avec lui.
Dès lors entre un violent désir de vengeance et la compassion qu’elle éprouve pour Jesus, un pauvre gosse de la rue, elle ne cesse malgré elle de se rapprocher de l’assassin….
Le sujet n’est pas neuf et même si le film n’échappe pas aux clichés, il est tellement soutenu par la force des atmosphères et par la présence de la ville de Medellin qui apparaît (les vues de la ville sont le plus souvent nocturnes) comme une masse imprenable et tellement immense qu’elle réduit chacun à sa condition et à sa solitude.
Depuis plusieurs décennies, la Colombie est le théâtre d’une violence fratricide impliquant la guérilla armée, des guerres sanglantes entre narco-trafiquants ou la corruption endémique des fonctionnaires de l’état.
Dans un tel contexte, la mort se trouve au coin de la rue et de jeunes sicarios, moyennant rétribution, exécutent des contrats en tirant à bout portant sur leurs cibles.
Entre 2000 et 2002, 9931 personnes ont été exécutées dans les rues de Medellin et parmi elles, le père de la cinéaste.
Paula avait une une existence privilégiée. Elle avait un père aimant dont elle était très complice, un grande frère qui jouait son rôle d’aîné et vivait dans le confort d’une belle maison dans un quartier paisible.
Elle partageait sa vie entre des études et ses amis, était une jeune fille enjouée, confiante en l’avenir quand elle a été coupée dans son élan et que le gravité de l’existence l’a rattrapée…
Jésus vit dans les quartiers pauvres avec sa mère. Il n’est ni meilleur ni pire qu’un autre mais les circonstances et la détresse économique l’ont conduit à devenir tueur à gages et Paula qui croyait se retrouver en face d’une crapule finie qu’elle aurait pu abattre de sang froid pour venger son père est obligée de réviser son jugement et n’a en face d’elle qu’un déshérité de la société.
Au fil de l’écriture de cette histoire vécue s’est petit à petit imposée la nécessité d’humaniser l’assassin du père en même temps que Paula en sillonnant les quartiers pauvres de la ville, est obligée de revenir sur son désir aveugle de vengeance.
« Matar a Jesus » est un drame qui peint une société à la dérive prise dans un processus de violence mais c’est aussi une histoire sur la prise en compte et la reconnaissance de l’autre. Le rapprochement de deux êtres qu’au départ tout oppose.
Et Paula, du haut des vingt ans et de sa douleur, essaiera courageusement de couper la chaîne infinie de la violence.
« Matar a Jesus » qui est une fiction peut être tout autant, et c’est là une des forces du film, considéré comme un documentaire faisant état de l’état de la Colombie et de la ville de Medellin.
Francis Dubois
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