Qui est Jessica ?
Elle a recueilli dans une vaste maison du bord de la méditerranée et regroupé dans son giron, un groupe de jeunes hommes dont on ressent, chez chacun d’entre eux, à fleur de peau, la menace toujours possible d’anciennes réactions de violence et de révolte.
A son contact, ces « enfants perdus », orphelins de la société, qui n’avaient jamais connu l’amour sont devenus des agneaux, complètement conquis par cette vie communautaire dans le décor ensoleillé du midi.
Ensemble et sous le regard vigilent de Jessica, présente et dévouée, ils constituent une sorte de famille parallèle et cherchent ensemble à créer un monde de douceur et d’échanges où ils auront au moins l’impression d’être eux-mêmes.
Mais qu’advient-il quand ils quittent le cocon et retrouvent ce qui, auparavant, déclenchait chez eux une irrépressible violence ?
Habituellement, le cinéma raconte ce qui peut conduire les jeunes à la violence, aux pulsions de révolte qui peuvent agir comme des bombe à retardement.
Dans le film de Caroline Poggi et Jonathan Vinel, la démarche est à l’opposé.
Elle raconte ce qui peut amener à l’apaisement, à comment renouer avec le contact, l’échange et le partage…
Dans une société qui condamne trop rapidement les gens et les case très vite au rang d’irrécupérables, ce genre d’îlot où on rend confiance à des individus qui se sont toujours sentis marginaux ou rejetés peut être d’une grande utilité.
Mais « Jessica for ever » comme si les réalisateurs savaient les limites d’une telle démarche, ne se présente pas comme un film social.
Le récit reste à l’état de conte, d’une belle histoire sur la reconstruction d’êtres qui portent en eux un potentiel de générosité mais que, dans une existence antérieure, des événements ont mutilés et malheureusement peut-être déjà irrémédiablement condamnés.
Et à la fin de la projection de « J essica for ever », la question se pose de nouveau à propos de Jessica. Qui est cette femme apparemment fortunée, belle et généreuse, qui a consacré sa vie au sauvetage de jeunes hommes perdus, d’individus qui portent des blessures visiblement difficiles à cicatriser ? Une femme dont la générosité ne fait pas de doute ou un gourou ?
Mais en attendant de trouver réponse à ces questions, le film propose une série de portraits de jeunes hommes blessés convertis aux bons sentiments, attachants, émouvants à force de cette candeur qui les rattache à l’enfance, douillettement installés dans un confort dont ils ont l’air de penser qu’ils n’en seront jamais plus privés.
Mais qu’en sera-t-il d’eux quand ils seront un jour ou l’autre relâchés, restitués à une vie dont ils risquent de retrouver l’inconfort et l’agressivité ?
Un conte contemporain ? L’histoire d’une utopie ? Un regard optimiste sur le monde ?
La question reste posée….
Francis Dubois
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