Pedro est un jeune garçon de douze ans le plus souvent livré à lui même, qui passe le plus clair de son temps dans les rues violentes d’une banlieue populaire de Caracas. Lorsqu’au cours d’une altercation il blesse gravement un garçon du quartier, son père Andres l’oblige à prendre la fuite pour échapper aux représailles qui le menacent. Andres découvre alors que son fils est devenu un jeune adolescent incontrôlable mais c’est dans leur face à face difficile et dans la découverte d’une situation nouvelle que va survenir le rapprochement inattendu entre le père et le fils.
Les liens familiaux étaient le thème récurrent des courts métrages qu’avait réalisés Gustavo Rodon Cordova avant l’écriture de « La familia », son premier long métrage. Il a ajouté au duo père-fils, un autre personnage, la ville de Caracas où il a grandi et qui, submergée et ravagée par la situation politique et économique du pays, connaît un quotidien de plus en plus déshumanisé.
Le film rend compte, dans un contexte social ravageur, de la relation entre un père et son fils saisis tous deux à des niveaux différents par la barbarie ambiante qui les contraint, suite à une acte de violence dont l’un s’est rendu coupable, à se côtoyer et à appendre à se connaître.
Giovanny Garcia qui interprète le père est un comédien professionnel. Mais c’est aussi un manuel rompu aux travaux de la mécanique et du bricolage. Reggie Reyes, bien qu’il ait une vie très différente de celle de Pedro, a souvent eu affaire à des garçons de la rue. Tous deux étaient donc sensibles, par certains aspects de leur vécu, à la réalité de leurs personnages.
On retrouve, dans « La familia » une forte influence du néo-réalisme italien et le film s’attache, avec le personnage de Pedro à cette très courte période qui se situe entre l’enfance et l’adolescence mais dans le contexte d’une violence omniprésente et banalisée de crise sociale, morale et économique. D’un autre côté, la course au pouvoir des gangs, les menaces de mort, un suspense soutenu, donnent au film intimiste de Gustavo Rondo Cordova un arrière goût de thriller.
Au duo père-fils et à leur rapprochement l’un l’autre, il est à ajouter pour compléter et expliquer le personnage de Pedro une absence de figure maternelle qui prive le garçon d’un élément important à sa construction et sans doute du garde-fou qui imposerait des limites à sa violence.
Au final « La familia », où l’on a suivi le rapprochement de deux êtres au départ étrangers l’un à l’autre, dresse en arrière plan le portrait d’un pays politiquement et humainement privé de ses repères moraux et qui va à la dérive.
Francis Dubois
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