Eveline, Zoulikha, Alice trois femmes aujourd’hui vieillissantes se sont engagées dans les rangs du FLN dès le tout début de la guerre d’indépendance algérienne. Déterminées à accomplir la mission qu’on leur a confiée, elles ont connu la clandestinité, la prison, la torture et pour certaines d’entre elles, l’hôpital psychiatrique.
Au crépuscule de leur vie, elles font un retour en arrière et acceptent de témoigner face à la caméra de Fatima Sissani après des décennies du silence. Elles ont connu l’Algérie coloniale dans sa réalité et même si elles appartenaient toutes les trois à une petite bourgeoisie plus épargnée et si elles font partie des privilégiées qui ont pu faire des études, elles racontent au plus près de la vérité la ségrégation, le racisme, l’antisémitisme, la prison, la torture mais aussi la solidarité qui existait parmi les militants et les mouvements de joie inhérents à leur jeune âge.
Elles racontent le pays, leur attachement à la terre natale, les paysages magnifiques, la poésie et la musique qui les ont accompagnées et soutenues au cours de leurs années de lutte.
Au départ du projet, ils s’agissait de réaliser un film sur Eveline Safir Lavalette, de faire de cette femme au caractère bien trempé, un portrait qui venait compléter « La langue de Zélika », le premier documentaire que Fatima Sissani avait réalisé sur sa mère. Eveline n’a jamais démordu de son engagement de l’époque même si, par la suite, elle s’est montrée discrète sur les différents épisodes de ses missions, sur la valeur de ses agissements, sur les ramifications des réseaux.
Elle a gardé toute sa causticité et ne plaisante pas avec l’Histoire. Elle est intransigeante sur la réalité des faits, cinglante parfois, mais son humour décapant peut ajouter une touche de légèreté à ses propos les plus graves.
Mais au cours de ses trois années de gestation, le projet initial n’a cessé d’évoluer et d’entraîner le film en train de se construire vers de nouveaux questionnements et d’autres rencontres. C’est ainsi, qu’à celui d’Eveline, sont venus s’ajouter deux autres portraits de résistantes.
Celui de Zoulikha qui avait été arrêtée, torturée et détenue en même temps que Eveline Lavalette
Puis celui d’Alice Chorki qui en tant que juive avait souffert très jeune de l’antisémitisme pétainiste, et qui, en tant que psychanalyste, remet en perspective le racisme qui sévissait au sein de l’école d’Alger au moment de la colonisation.
Ces trois femmes aux personnalités contrastées retracent sept années d’engagement, d’un militantisme qu’elle n’ont jamais remis en question même dans les moments les plus douloureux, les plus difficiles, tant elles étaient certaines du bien fondé de leurs actions.
Leurs témoignages sont rythmés par des images de l’Algérie, celles de ses vastes et généreux paysages, d’intermèdes musicaux et d’un souffle poétiques qui les ont aidées à rester sur la ligne de leur détermination.
On n’arrêtera jamais de faire la lumière sur cette guerre d’indépendance et sur laquelle, de témoignage en témoignage, de révélation en révélation, on lève utilement le voile mais dont on sait qu’elle n’est pas prête encore de livrer tous les honteux secrets qu’elle tait toujours….
Francis Dubois
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