A Beyrouth au Liban, aujourd’hui….Wardi, jeune palestinienne de onze ans vit avec toute sa famille dans le camp de réfugiés où elle est née. Sidi, son arrière -grand père qu’elle adore fut l’un des premiers à s’y installer après avoir été chassé de son village en 1948. Le jour où Sidi confie à Wardi la clé de son ancienne maison en Galilée, celle-ci comprend qu’il a définitivement perdu l’espoir d’y retourner un jour. Mais alors, comment chacun des membres de la famille va-t-il pouvoir aider la petite fille à renouer avec l’espoir perdu de son aïeul ?
En 1948, les palestiniens qui peuplaient la Galilée au nord du territoire actuel d’Israël ont été violemment expulsés de chez eux et plus de cent mille, parmi ceux qui ont survécu aux massacres, ont dû fuir au Liban. Ils ne se doutaient pas que le 14 mai 1948, jour de la création de l’État d’Israël, les frontières seraient fermées et qu’ils allaient se retrouver pris au piège. Certains ont obtenu la citoyenneté libanaise mais parmi ceux qui n’ont pas eu cette opportunité, aucun ne se doutait que dans les camps où ils s’étaient retrouvés, ils allaient rester au Liban pendant plusieurs générations.
Si, dans les années 1969 à 1982, à la suite des accords du Caire, les camps situés au Liban ont connu une période plutôt faste et paisible, l’invasion du Liban par Israël en 1982 a anéanti le pouvoir de l’OLP dans les camps et ceux-ci, restés indépendants de leur État hôte ont été réduits à la pauvreté et sont demeurés sans autorité politique interne en état de fonctionner.
La mère de Mats Grorud a travaillé au Liban pendant la guerre dans les années 80 et ce sont les récits qu’elle en a rapportés, ce qu’elle a raconté à propos de la vie des enfants dans les camps qui ont sensibilisé le jeune réalisateur qui faisait alors des études en cinéma d’animation, aux problèmes de ces camps et l’ont poussé à se rendre sur place puis à séjourner au titre d’une ONG, dans le camp de Burj El Barajneh.
Il a alors pu réaliser de nombreux entretiens avec des personnes vivant dans les camps sur leur parcours passé et sur leur vision de l’avenir.
Ces entretiens ont donné lieu à un documentaire « Lost in time, lost in place » puis l’idée d’une fiction est née qui reposerait sur trois personnages principaux : Wardi, son arrière grand père et le mystérieux Pigeon Boy et qui établirait un lien entre la nouvelle et la vieille génération.
Le projet initial, qui était un court métrage, a vu au fur et à mesure de l’écriture, s’ajouter des scènes et des dialogues pour montrer et préciser la situation des palestiniens qui vivent dans les camps.
En travaillant sur le passé, le présent et le futur le réalisateur témoigne que des enfants sont nés dans ces camps, qu’ils sont privés de droits et qui, privés de la citoyenneté libanaise, ne peuvent rien posséder et sont exclus du marché du travail.
En possession de la clé et du titre foncier de leur ancienne habitation et bien qu’une décision de l’ONU les autorise à rentrer chez eux, la possibilité de quitter le Liban leur est interdite.
« Wardi » est un film d’animation et sous l’apparence de marionnettes, les personnages ne manquent, en dépit des conditions de vie limitées aux frontières du camp, ni d’humour, ni de chaleur, ni de bienveillance. Vivant pourtant privés de liberté, il persistent dans l’espoir avec un appétit de vivre qui est, pour eux, le seul moyen de survivre.
Les personnages sont inspirés de personnes que Mars Grorud a rencontrés pendant ses séjours dans les camps. Ils reposent sur des événements réels ou d’autres, relevés dans des biographies et des documents d’archives.
Les marionnettes sont tellement « habitées » qu’elles poussent le spectateur à l’émotion et il y a, dans cette incarnation distanciée des personnages, une approche terriblement physique de la vie des habitants des camps.
Magnifique.
Francis Dubois
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