Dans la plaine orientale corse, Casabianda est un centre de détention au sein d’un vaste domaine agricole. C’est une prison à ciel ouvert qui n’a rien à voir pour l’essentiel des conditions de vie offerte aux détenus, avec le fonctionnement des prisons habituelles. Les arbres, le ciel et la mer remplacent ici les verrous, les barreaux et les miradors.
Pendant une année, Guillaume Massart s’y est rendu à la recherche de la parole des détenus.
Ce sont eux qui ont choisi la forme « conversée » qu’allait prendre « La liberté ».
Il s’agit d’une suite de longs entretiens dont la durée étirée permet à chacun d’aller le plus loin possible, à la recherche de vraies impressions, des vrais sentiments.
La question récurrente que pose le film et à laquelle répondent les détenus est : « que se passe-t-il lorsque les murs de la prison sont invisibles ? »
Est-ce parce que les protagonistes du film se sont désignés eux-mêmes, est-ce à cause d’une sélection spontanée des intervenants, mais il émane de chacune des séquences, un calme, une sérénité qui ne laissent à aucun moment deviner qu’on a à faire à des meurtriers ou malfaiteurs dont la faute commise a justifié une peine d’années de prison. Le cadre de cette prison singulière, la végétation abondante, la proximité de la mer auraient-ils une réelle incidence sur le comportement des personnes ?
Pour la plupart des détenus qui apparaissent dans le film, les conditions de détention dans cette prison ouverte sont préférables à celles, très carcérales, qu’on peut trouver dans une prison ordinaire. Ceux-là savourent la possibilité d’aller venir, d’admirer les espaces ou la proximité de la mer. Un seul d’entre eux avoue que cette liberté est illusoire et que le côté « carte postale » de l’environnement renforce le sentiment d’enfermement.
La place de la caméra de Guillaume Massart a été difficile à trouver car, dans un premier temps, face aux réticences de l’administration pénitentiaire et à celles des détenus qui n’étaient pas favorables à un tournage de film sur le sujet, le projet de film a été incertain. Guillaume avait décidé de filmer à distance des détenus et des lieux. Mais c’est alors que sa décision était prise que certains des protagonistes se sont approchés de la caméra et que contrairement à leur décision de garder le silence, ils allaient se mettre à parler et se montrer à visage découvert. Dès lors, le réalisateur a abandonné le trépied et filmé la caméra à l’épaule. Il a totalement assumé sa caméra volumineuse faisant le choix définitif de se montrer plutôt que de filmer en catimini, au risque de passer pour un épieur.
Y avait-il provocation à filmer une prison sans barreaux et ses occupants « en liberté », à commettre une entorse à rompre avec cent vingt années de cinéma et l’image sacro-sainte de la prison à l’écran, long couloirs, cour de promenades, activités surveillées ?
Le format de l’image 5/4 (presque carré) plus étroit que le 4/3 utilisé habituellement, permet de réduire les dimensions des vastes espaces, de rompre avec l’image de la carte postale du bord de mer et de limiter l’horizon de Casabianda à un arrière plan….
Francis Dubois
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