En décembre 2012 , après quatre mois de captivité en Syrie, Gabriel reporter de guerre, trentenaire fougueux, est de retour en France.
Après les examens d’usage, il retrouve ses parents et sa fiancée. Mais Gabriel n’est plus le même homme désormais. Les mois de captivité l’ont profondément marqué.
Il éprouve subitement le besoin de se rendre à Goa où sa mère, qui l’avait abandonné enfant, vit depuis des décennies.
Sur place, il s’installe dans la maison de son enfance et c’est là qu’il fait la connaissance de la jeune Maya dont la personnalité le trouble.
Une des qualités du film de Mia Hansen-Love est sans doute d’avoir évité un certain nombre de clichés quand il s’agit du personnage de Gabriel qui n’a rien dans son apparence du baroudeur dont on a l’image en tête et dont il émane ici une impression de fragilité physique.
Chez Mia Hansen-Love le retour de l’otage après des mois de captivité n’a d’égal que le naturel discret de Gabriel et l’événement échappe de cette façon au remue-ménage médiatique habituel,
Elle évite les scènes attendues pour mettre Gabriel rendu à une vie normale, face à des détails qu’engendre la situation, plutôt que de céder à un spectaculaire qui pouvait être tentant et au plan narratif, plus attractif.
Mia Hansen-Love poursuit sur une ligne sobre et dépouillée et son récit, qu’il s’agisse du retour de Gabriel comme de la rencontre jusqu’à son prolongement amoureux avec la jeune Maya.
Elle refuse de donner à son récit les aspérités, les points saillants qui auraient, en se succédant, relayé une trame tissée d’anecdotes.
Elle dépouille à ce point son histoire du moindre superflu qu’il n’en subsiste plus que la substance essentielle au risque d’adopter une ligne narrative un peu sèche. Au risque de tourner un choix rigoureux louable au désavantage de son propos.
Mais personne comme elle ne traite les déambulations d’un personnage pressé d’être rendu à lui-même à travers la ville. Personne comme elle pour faire se superposer questionnement intime et déambulation libératrice.
« Maya » est il un récit vibrant ou un récit volontairement linéaire et privé de tout élément ou ressort narratif attractif.
« Maya » marque-t-il une baisse de régime dans la filmographie de Mia Hansen-Love ou au contraire, est-ce une œuvre dépouillée qui atteste d’un tournant de maturité ?
« Maya » est l’histoire d’un retour à la vie, des questionnements qui viennent après une douloureuse épreuve et c’est l’histoire d’une rencontre amoureuse entre un quadragénaire rompu aux difficultés de l’existence et une post-adolescente à la personnalité trempée.
Les deux personnages sont des résistants, l’un et l’autre prudents face à la tentation de l’amour qui s’offre à eux.
Gabriel a choisi une voie professionnelle précise et un engagement amoureux serait trahir cet engagement et se trahir lui-même et Maya, capable de faire preuve d’une grande maturité sait inconsciemment que ce premier amour voué à l’échec lui aura sans soute apporté des émotions que le temps laissera intactes.
Le film a la douceur et la rugosité d’un amour sincère et sacrifié.
Francis Dubois
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