Tout le monde a le souvenir d’un de ces repas de Noël où tout part en vrille. À la faveur de ce repas, souvent fort long et bien arrosé censé montrer l’amour que l’on porte à sa famille, il arrive que les digues sautent et que les petites rancœurs et les différents explosent.
Le collectif Le Grand cerf bleu avait proposé l’an passé Non, c’est pas ça, une variation pleine d’humour et d’énergie sur La Mouette de Tchekhov qui tourne encore en région. Cette fois le trio Laureline Lebris-Cep, Gabriel et Jean-Baptiste Tur a choisi de s’intéresser à la fête de Noël, avec toujours le même sens de la déconstruction. Comme pour leur précédente création ils écrivent, mettent en scène et jouent.
Nous sommes dans une famille le soir du réveillon, le sapin brille, l’apéritif est préparé sur la table basse. Il y a là la mère astronome, le père qui avait un magasin de DVD en faillite et s’occupe désormais d’un ciné-club, la grand-mère qui a perdu son compagnon récemment, la benjamine Lolo qui habite encore chez ses parents, Gaby le cadet qui fait de la musique et l’on attend l’aîné JB, toujours entre deux avions pour son travail et qui finit par arriver avec sa nouvelle petite-amie Julieta. Chacun joue son rôle, surjoue la joie des retrouvailles, mais des petits pas de côté révèlent les failles. Du désaccord sur la présence du foie gras au menu ou sur la distribution des cadeaux avant le repas ou au dessert, on glisse à des remarques qui révèlent des contradictions dans les choix de vie et des préjugés, d’autant plus forts, qu’à l’élément extérieur à la famille qu’est Julieta, s’ajoute l’arrivée d’un étrange étranger. Désaccord avec les autres mais aussi avec soi-même. À trop vouloir donner une bonne image de soi-même on finit par s’interroger sur ses rêves brisés. Mais ici pas de règlement de compte final, on l’évite car Jusqu’ici tout va bien !
La scénographie de Jean-Baptiste Née nous place successivement dans deux lieux grâce à un décor qui tourne : le salon, où chacun se met en scène et la cuisine où chacun se découvre. Entre les deux une porte vitrée. Quand on est au salon on entend des choses qui se passe dans la cuisine sans toujours saisir leur signification. Elles s’éclaireront dans la seconde partie lorsqu’on sera dans la cuisine. Nos préjugés de spectateurs s’ajoutent ainsi à ceux des personnages.
La musique est très présente (création sonore de Gabriel Tur et Fabien Croguennec) soit comme élément de la fiction – un membre de la famille jouant du piano devant les autres – soit comme traduction d’une tristesse ou d’une colère. Presque tous les acteurs jouent de la batterie, se mettent aux platines ou chantent.
Les acteurs, tous très convaincants, savent être tour à tour comiques et attendrissants. On glisse du burlesque avec la mère qui veut tout faire toute seule, rate la mayonnaise et a des problèmes de four, à la méfiance, la peur de l’autre, les regrets sur ce qu’on a raté dans sa vie.
C’est Noël et puisque Jusqu’ici tout va bien chaque spectateur peut plonger dans la pièce avec plaisir entre rires et mélancolie.
Micheline Rousselet
Du 18 au 22 décembre à 20h
Le Centquatre
5 rue Curial, 75019 Paris
Réservations : 01 53 35 50 00 ou billetterie.104.fr
Se réclamer du Snes et de cet article : demande de partenariat Réduc’snes en cours
Le 5 avril 2019 à L’Eclat, Pont Audemer
Des militants partagent ici des critiques littéraires, musicales, cinématographiques ou encore des échos des dernières expositions mais aussi des informations sur les mobilisations des professionnels du secteur artistique.
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