Lena est une jeune fille de dix-sept ans qui n’a d’autre aspiration que celle de mordre à pleines dents dans la vie. Le désir la tenaille et quoique impatiente, elle attend le moment propice pour se livrer dans les bras d’un garçon.
Mais un jour, un proche de la famille la viole et le monde intérieur de Lena se fracasse Elle se replie sur elle-même, se mure dans un silence qui préoccupe à ce point ses proches qu’elle se retrouve placée dans un hôpital psychiatrique.
Chaque année, des millions de femmes subissent des violences sexuelles mais 13% seulement de ces abus sont déclarés. Lena est de celles-là et au bénéfice du silence où elle se terre, le traumatisme qu’elle a subi provoque des ravages.
Le film de Térésa Nvotovà est une sorte d’autopsie d’un viol et de ses conséquences, centrée sur le personnage de Léna et sur la façon dont elle vit intimement son traumatisme.
Il s’agissait pour la réalisatrice d’aller au plus près du monde intérieur de celle qui a subi un viol, de plus un viol perpétré dans la maison familiale par un familier ami des parents.
Si Dominika Moravkova est l’interprète parfaite du personnage de Léna avec un jeu d’une grande sensibilité pour représenter le mutisme, l’enfermement, les personnages annexes du récit sont tous plutôt attendus avec un couple de parents sans surprise, des pensionnaires de l’hôpital psychiatriques cantonnés dans une cruauté qui vient en contraste avec celle, la seule, qui deviendra l’amie de Léna qui ne se relèvera pas de ses blessures profondes.
Par ailleurs, était-il nécessaire de faire du frère de Léna un handicapé moteur au risque parfois de détourner le déroulement du récit du personnage central ?
Autant de personnages qui auraient gagné à être plus finement dessinés pour éviter qu’ils ne frôlent le stéréotype.
Le film bénéficie de quelques moments de grâce comme ce dialogue à propos du suicide entre Léna et sa voisine de chambre. Les deux filles, qui portent en elles le germe du suicide (et alors que l’une d’elle passera à l’acte peu de temps plus tard) tournent l’acte de la suppression de soi en dérision pour mieux masquer leur désarroi..
« Sans jamais le dire » a le mérite d’aborder le problème du viol silencieux et de ses ravages.
C’est une sorte de cri, une tentative pour briser le silence autour du fléau des violences sexuelles.
Le film est également un regard sur un groupe de jeunes adultes.
Un film sur une génération qui croit vivre dans une société ouverte et juste alors qu’en réalité, elle vit une époque sombre.
Un constat douloureux sur un état d’isolement, de solitude extrême.
Francis Dubois
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