Une vieille dame suédoise se rend avec son fils en Laponie, terre de ses origines, au nord de la Suède, pour assister au obsèques de sa sœur. Elle y retrouve une famille et une communauté qu’elle a depuis longtemps perdues de vue et avec qui elle n’a aucune envie de renouer.
Ce voyage l’amène à se remémorer une enfance marquée par les difficultés de parcours et les nombreuses humiliations liées à ses origines.
Alors qu’elle veut écourter le temps de son passage sur les lieux sensibles, le rejet de ses origines mené jusqu’à un changement d’identité pour échapper à un destin trop étroit va lui apparaître tout à coup comme un mensonge à elle-même.
Comme Elle Marja, de nombreuses jeunes femmes et jeunes hommes ont décidé de quitter la Laponie pour devenir suédois.
Et la question que pose le film est de savoir ce qui se passe quand on a décidé de couper tout contact avec sa propre culture et sa propre histoire et comment on peut, en toute sérénité, devenir une nouvelle personne.
« Sami, une jeunesse en Laponie » se compose d’un prologue qui retrace le retour occasionnel et réticent de la vieille dame en Laponie et d’un long flash-back qui nous plonge au sein d’une famille nomade d’éleveurs de rennes, aux coutumes très ancrées jusque dans le quotidien.
Si pour Njenna, la benjamine de la famille, un éloignement dans un pensionnat pour y recevoir une éducation suédoise est un déchirement, pour Elle Marja, elle représente la seule chance de quitter un milieu sclérosant, la seule possibilité d’une émancipation, le moyen d’en finir avec le souvenir des brimades et les humiliations dont sont victimes les enfants Samis reconnaissables à leurs costumes traditionnels, à leur petite taille et leur allure trapue.
Passant outre le refus de son institutrice de lui rédiger la lettre qui lui permettrait de faire des études en Suède, Elle Marja se lance seule dans l’aventure de la grande ville.
Pour arriver à ses fins, elle force l’hospitalité de la famille de Niklas qu’elle n’a rencontré qu’à une seule occasion au cours d’un bal, ment sur son identité, troque son costume local conte un tenue ordinaire.
Et pour financer ses études, Christina ( son prénom d’adoption) n’hésitera pas à monnayer la ceinture d’argent de son père, le seul objet de valeur que détient sa famille.
Pourtant, malgré tous ses efforts d’intégration, au milieu de jeunes filles blondes et élancées qu’elle côtoie, elle continue d’apparaître comme une curiosité ethnologique.
Mais ce retour à ses origines qu’ Elle Marja voulait bref et sans émotion aura sur elle un effet qu’elle n’aurait jamais pu soupçonner.
Il va révéler à elle-même que dans le choix qu’elle avait cru définitif et mesuré de changer d’identité se cachait le germe d’un profond conflit d’identité.
Elle qui, ayant atteint le grand âge, croyait nourrir le même rejet de ses origines, va devoir se rendre à l’évidence et rendre les armes.
«Sami» est une déclaration de reconnaissance à tous ceux qui sont partis de Laponie et à tous ceux qui y sont restés racontée du point de vue d’Elle Marjas.
Mais c’est surtout le moyen de faire la lumière sur cette partie sombre, voire méconnue de l’histoire coloniale suédoise.
Amanda Kernell dresse le portrait très fort d’une jeune femme déterminée à prendre le contre-courant de la pente de résignation à laquelle elle semblait ne pas pouvoir échapper. Le personnage est défendu pat une jeune comédienne remarquable.
La mise en scène est fluide et les images d’une grande beauté.
Francis Dubois
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