A vingt trois ans, Laure, une brillante étudiante a, jusqu’ici multiplié ses choix d’avenir sans pouvoir se fixer. Le premier dossier qu’elle a effectué pour rentrer dans la vie active était adressé à la Marine Nationale. Elle a donné suite à la réponse positive qui s’en est suivie sans trop savoir sur quel terrain elle s’engageait. Mais c’est là que la solide et persévérante jeune fille, dès les premiers jours, a pressenti qu’elle trouverait ses repères.
Au fur et à mesure de son apprentissage, elle découvrira qu’elle a fait le bon choix.
«Mafiosa » le feuilleton de Canal + dans lequel Hélène Fillières interprétait la farouche Sandra Paoli était l’histoire d’une femme évoluant dans un monde d’hommes.
En choisissant la vie de la Marine nationale, Laure, frêle mais déterminée, engage le pari de s’imposer dans un milieu masculin, de révéler sa part de virilité au lieu de combattre celle des hommes.
Si Hélène Fillières dresse, avec une précision d’orfèvre (superbes cadrages) le portait rigoureux et sec de l’univers militaire avec ses codes fonctionnant sur les rapports hiérarchiques, avec un langage propre au milieu, une syntaxe spécifique, un mode de communication où toute forme d’intimité est proscrite, elle est également allée à la recherche de ce qui se cache derrière les masques.
Elle débusque au-delà des apparences, derrière les codes cadenassés, les uniformes et la réserve, des hommes et des femmes agissant avec leur sensibilité et qui vibrent comme tout un chacun.
Et c’est ainsi qu’Hélène Fillières, bien qu’ayant choisi comme décor ce corps d’élite qu’est la Marine où la soumission à la règle est totale, où la marge laissée à l’intime est quasi inexistante, où tout est codé, a réalisé un grand film romanesque dont le déroulement narratif à fleur de peau laisse apparaître chez les personnages les émotions les plus vibrantes.
Elle laisse s’infiltrer dans chaque faille, chaque fêlure, les signes d’une faiblesse humaine naturelle.
Ainsi l’incorruptible Commandant Rivière et la jeune Laure toute à sa détermination n’échapperont pas au sentiment amoureux même si rien jamais, ni le moindre geste ne trahiront l’émotion qui les bouleverse.
Le récit décrypte les sinuosités du désir en installant une érotisation des rapports comme la transgression involontaire entre maître et subordonné et en dépit ici, de la forte différence d’âge des protagonistes.
Hélène Fillières, avec la complicité de ses deux interprètes, réussit magnifiquement la confrontation dans le milieu militaire, entre un homme mûr rompu au devoir de réserve et une jeune fille encore peu prête aux complexités de l’existence.
L’un et l’autre provoquant chez l’autre l’électrochoc émotionnel sans que ni l’un ni l’autre ne prenne la vraie mesure de ce à quoi ils sont confrontés.
«Volontaire» raconte l’éclosion de la femme chez une jeune fille qui aura, dans le même temps été confrontée à l’endurcissement, au dépassement physique et à la complexité des sentiments. Hélène Fillières filme aussi magnifiquement les espaces aux lignes épurées que les émotions sur les visages.
Le film a été tourné à l’École des Fusiliers marin de Lorient et à l’École navale de Brest, bâtiments somptueux et sur cette sur cette esplanade face à la mer à laquelle l’image donne toute sa rigoureuse et froide beauté.
Magistral !
Francis Dubois
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