Joseph, la petite cinquantaine, sans travail fixe, a du mal à faire vivre sa nombreuse famille. En attendant des jours meilleurs, il a imaginé une petite entreprise d’escroquerie à laquelle il a associé son fils de dix-sept ans, Micka dont il a fait son comparse.
Mais ce ne sont pas les petites truanderies à la bouteille de vin maquillée en grand cru qu’il traite au porte à porte qui vont lui permettre de payer les arriérés de loyer conséquents et d’éviter à toute la famille de se retrouver bientôt à la rue. Mais Micka, un temps docile et complice, lassé par les piteuses arnaques de son père, rêve d’une autre vie : il veut quitter sa famille et s’inscrire à Paris, dans un cours de comédie…
Le jour où Xabi Molla a été arnaqué de vingt euros par un individu qui, pour cela, a déployé des ruses sensées détourner la méfiance de sa victime, il s’est interrogé sur l’histoire de ce personnage, sur ses motivations et sur l’exercice d’une telle virtuosité à pratiquer le mensonge et la tromperie.
Le personnage l’a fasciné et il a imaginé cet homme en fin de journée, au moment où il se retrouve en famille et compte son butin. L’idée était née de faire un film qui raconterait un peu de la vie d’un artisan de l’arnaque, de composer un récit qui suivrait une ligne de crête entre le drame et la comédie.
Dans les deux précédentes réalisations, l’un finissait par l’emporter sur l’autre.
Dans « Comme des rois» Xabi Molla a réussi à traiter les deux de front, la légèreté et l’humour que peut engendrer le sujet sans perdre de vue les conditions sociales d’une famille en les situant de plain-pied dans la France appauvrie d’aujourd’hui, la France d’aujourd’hui où les laissés pour compte doivent se débrouiller comme ils peuvent pour subsister et parfois au dépend des autres.
Xabi Molla a nourri le scénario de «Comme des rois » des éléments de son film précédent, « Le terrain» , un documentaire sur un club de jeunes footballeurs d’Aubervilliers, une ville où vivent les populations les plus pauvres de France.
C’est dans ces familles qu’il a côtoyées au cours du tournage de «Le terrain» , dans des appartements à moitié vides qu’il a découvert qu’en dépit de l’incertitude du lendemain, il pouvait y avoir dans le fonctionnement de ces familles de la place pour l’humour et pour la légèreté.
C’est en constatant que la grande difficulté au quotidien peut s’assortir d’une certaine joie de vivre que lui a été dicté le bon dosage entre drame et comédie dont il a fait le double fil narratif de son film.
« Comme des rois» trace l’histoire d’un looser, d’un malchanceux tenace dont les difficultés sont pourtant autant de refus de rentrer dans le rang. C’est aussi, ainsi, l’histoire d’une résistance.
Pour jouer Joseph, Kad Mérad s’est imposé. Pour ce qui est du choix de l’acteur qui jouerait Micka, l’exigence de Xabi Molla était qu’il ait l’âge du personnage. Kacey Mottet Klein est un comédien d’à peine vingt ans mais qui fait ses preuves à l’écran depuis déjà dix années quand, débutant, il tournait dans « Home» auprès d’Isabelle Huppert et d’Olivier Gourmet…Il excelle dans « Comme des rois»
Francis Dubois
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