On pourrait dire de la vie de Daphné, trente ans (mais qui aime bien dire qu’elle en a vingt), qu’elle est un tourbillon et qu’elle y paraît épanouie.
Aux journées dans le restaurant londonien du quartier d’«Elephant and Castle» où elle travaille, succèdent le plus souvent des nuits enivrées qui se terminent généralement dans le bras d’un inconnu qu’elle laisse en plan le lendemain matin.
Daphné peut se montrer spirituelle et directe. Elle est libre et enthousiaste mais sous cette apparence dynamique, que cache véritablement la jeune femme?
Lorsqu’un jour, par hasard, dans une boutique, elle assiste à un braquage au couteau, elle est subitement amenée à revoir sa vision du monde qui l’entoure, à réviser son approche d’elle-même et des autres et à se libérer d’une routine qui l’a jusque-là, aveuglée.
Peter Macke Burns et son scénariste Nico Mensinga avaient précédemment réalisé un court métrage de dix minutes dont «Daphné» allait devenir le prolongement et le développement.
«Daphné» est une tranche de vie qui se déroule sur quelques semaines seulement et qui plonge dans le métissage culturel de Londres. Sa protagoniste taillée pour la jungle urbaine, farouchement indépendante et ayant un avis sur tout, est habituée à vivre dans l’une des métropoles parmi les plus dures au monde.
Macke Burns en a fait un personnage tragi-comique qui suscite l’empathie en dépit d’un comportement qui pourrait produire l’effet inverse. Elle fume, elle boit, couche avec n’importe qui et se manifeste avec des manières rudes qu’on pourrait plus facilement admettre chez un homme.
Daphné est un personnage de la lumière ou un personnage des ténèbres selon qu’on s’en tient aux apparences ou aux fêlures quand on les a décelées.
Mais qu’elle soit l’un ou l’autre et quelle que soit la façon de la percevoir, qu’en est-il quand on cesse d’être la personne pour laquelle on s’est fait passer et que la manière de vivre ne correspond plus à ses véritables aspirations ?
C’est de façon presque souterraine qu’apparaît la complexité du personnage de Daphné, les premiers doutes à propos d’elle-même. Et cette nouvelle sensibilité qui est née en elle, si elle la déstabilise, lui dicte la marche à suivre pour trouver les points de repère qui vont servir de base à son prochain équilibre.
Peter Macke Burns et Nico Mensinga ont modelé un personnage de jeune femme moderne qui pouvait apparaître dans un premier temps comme une sorte de standard du genre, nourri des clichés habituels. Mais c’est pour mieux s’écarter de l’archétype et ouvrir le personnage sur une autre voie.
Un travail d’orfèvre sur le personnage et, pour lui donner le plus d’authenticité possible, le film a été tourné dans un cadre qui était commun à la fois à l’actrice et au personnage, qu’il s’agisse de l’appartement ou du restaurant voisin où Emily Beechman a travaillé pour la préparation du film; et c’est dans des boutiques où la comédienne a ses habitudes qu’ont été achetés les vêtements portés dans le film, les disques qu’elle écoute, les livres qu’elle lit.
La subtilité du portrait de Daphné tient peut-être au fait que Peter Macke Burns et son scénariste ont des points de vue contradictoires sur l’écriture d’un script. L’un adore la vie quand elle est passée par le prisme du cinéma, quand l’autre aime que la fiction soit fidèle à la réalité, au plus près de la vie des gens….
Chacun y est allé de sa préférence et le résultat final est convaincant.
Francis Dubois
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