Milla a dix-sept ans et Léo à peine plus. Ils vagabondent, vivent au jour le jour et trouvent refuge dans une villa abandonnée au bord de la Manche.
En attendant que les règles incontournables de la société les rattrape, il mordent à pleines dents dans le plaisir de se trouver ensemble, libres et heureux.
Mais ça ne dure pas. Léo doit travailler pour survivre et Milla voir sans réaliser tout à fait la portée de ce qui lui arrive, son ventre s’arrondir.
Un jour, on rapporte à Milla le sac à dos de Léo et, mi femme mi petite fille, elle doit poursuivre le chemin en solitaire et s’arranger pour faire seule face à la prochaine naissance.
Après « Nana» qui racontait une enfant de 4 ans pas encore «civilisée» et un film en préparation qui s’intéressera à un personnage de fillette de 11 ou 13 ans, «Milla » fait partie d’un triptyque sur trois âges charnière de jeune femme.
Si les personnages de Milla et de Léo s’imposent dès la première image du film, à la fois comme des clichés et dans leur grande singularité, la nature est un troisième personnage à part entière de la première partie de l’histoire.
La Manche a une rythmique plus sèche, plus violente que l’Atlantique et on y a cette impression de ne jamais savoir où finissent et commencent les champs et ou s’arrête la mer.
Et c’est dans la région de Cherbourg que Valérie Massadian a posé ses valises de cinéaste.
Elle y a trouvé l’hôtel qui était sur le point de fermer et la maison où Milla et Léo s’installent. C’est là qu’elle a rencontré Séverine Jonckeere qui s’est imposée à elle dès le premier regard comme celle qui allait être Milla.
Qui est cette toute jeune fille blonde et potelée au regard tour à tour joyeux et grave ?
Qui ce jeune homme au cheveux longs, à l’allure intemporelle, qui semble prendre en main la liberté du couple et qui se cogne sans jamais se heurter au charisme discret de sa compagne ?
Ils ne sont, en tous cas, pas des individus qui livrent leurs sentiments. Il n’y a dans le film, ni larmes ni effusions et cette retenue rejoint la construction d’un récit rythmé par de nombreuses ellipses.
Les sauts de puce ou de géant, dans le temps du récit, servent le plus souvent à éliminer les moments saillants, les épisodes saisissants qui semblent être laissés à l’imagination du spectateur.
Un choix narratif qui produit une rythmique particulière, crée des formes différentes dans le film et donne à l’histoire d’amour, une coloration à la fois punk et en arrière plan, plus romantique.
Les ellipses dans «Milla » apparaissent comme une forme de résistance à un monde où il doit y avoir une explication à tout, où l’on doit continuellement rendre des comptes
Et si, tout dans le déroulement du film de Valérie Massadian prédispose au tragique et cela depuis la scène d’ouverture stylisée où l’on voit dans un halo surnaturel les amants endormis, le récit tout en pudeur et qui emprunte de nombreux chemins de traverse garde, à défaut d’un véritable espoir dans l’issue, une sorte de confiance dans un monde rude et ingrat.
Valerie Massadian se défend d’avoir réalisé un film social dont le pivot narratif serait la précarité de la jeunesse et qui se déroulerait dans une optique politique.
Milla et Léo ont-ils fait un choix de vie ? Ou bien les circonstances leurs ont-elles dicté leur marginalité ?
Et s’ils appartiennent à la classe sociale inférieure, le récit leur donne une curiosité, un intérêt pour les livres et la lecture, une sorte de réserve dans laquelle Milla une fois toute seule, pourra puiser…
Un film qui échappe au déjà vu et qui prend une belle ampleur à mesure qu’il avance.
Francis Dubois
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