Après une absence de plusieurs mois, Roos, quarantenaire célibataire, revient en Norvège pour un séjour auprès de son jeune frère et sa mère pianiste. Mais, passé le plaisir de ces retrouvailles, revient à la surface un passif compliqué.

Des tensions anciennes semblent peser sur les rapports entre Roos et sa mère. Et cela, même si cette fois-ci, la visite de Roos risque de ne pas ressembler à celle des années précédentes. Cette fois-ci, Roos a une difficile annonce à faire à sa famille.

Il lui sera difficile de s’ouvrir à cette mère peu encline aux confidences et aux épanchements et encore moins de livrer la nouvelle à son jeune frère passionné de musique expérimentale et qui travaille dans une cavité glacée sur un orgue de stalactites qu’il a créé.

Cinéma : Sonate pour Roos
Cinéma : Sonate pour Roos

Roos et cette visite à sa famille renvoient de loin au sujet de «Juste la fin du monde» de Jean-Luc Lagarce où un jeune homme condamné par la maladie revenait après une longue absence auprès de sa famille pour leur annoncer sa mort prochaine. C’est le but de la visite de Roos à sa famille, mais dans « Sonate pour Roos… » cette démarche baigne dans un climat plus opaque.

Le film de Boudewun Koole est un film «blanc» de par les paysages immaculés de la Norvège et musical à cause de cette mère pianiste et de la passion du jeune frère pour les sons cristallins ; un film d’une extrême pudeur et qui pourtant, derrière un décor qui confirme des atmosphères silencieuses et feutrées, recèle des passions, des élans de tendresse sacrifiés.

Malgré la maladie qui la ronge, Roos est une amoureuse passionnée et ses retrouvailles avec Johnny maintenant marié et dont l’épouse attend un bébé sont enflammées par un désir de braises sous les cendres, par un sursaut de vie.

Johnny sera celui à qui elle va confier en premier sa mort prochaine et ce mélange de flamme et de mort a quelque chose d’aussi puissant qu’éphémère.

La complicité qui lie la jeune femme à son jeune frère a la beauté cristalline des inventions musicales du garçon, la force et la fragilité de la glace.

Celle contre laquelle Roos se heurte, c’est ce «roc», cette citadelle imprenable qu’est la mère, personnage bergmanien. Une mère qui a grandi sous pression, en enfant prodige. Elle semble porter le poids des heures d’entraînement face aux partitions de piano, le poids de l’exigence nécessitée par tous ses concerts donnés à travers le monde et de cette force d’âme extrême qui en a résulté.

Par quelle face aborder cette forteresse ? Quel est le point faible qui pourrait l’amener à baisser les armes ? Comment réduire la portée de ce contentieux affectif qui est devenu entre les deux femmes, un mur infranchissable ?

«Sonate pour Roos» est un film qui fonctionne à la fois sur une ligne narrative unique et sur un foisonnement de mouvements presque imperceptibles liés à la sensibilité naturelle de la jeune femme exacerbée par la maladie autant que par la difficulté qu’elle éprouve à en faire la révélation.

Le film de Boudewun Koole est constitué de séquences qui sont autant de point d’orgue, ajustés avec virtuosité pour composer une œuvre cinématographique à la fois «cristalline» et puissante, touchante et bourrue, feutrée et incandescente.

Encore un film magnifique dont vont se priver des spectateurs nombreux et qui, pourtant pourraient y trouver leur compte!

Francis Dubois


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