Le 4 avril 1968, le pasteur noir opposé à la guerre du Vietnam, Marin Luther King tombait sous la balle d’un tireur d’élite. Une seule balle avait suffit. Cinquante plus tard, la lumière n’a toujours pas été faite sur les responsables de cet assassinat. James Earl Ray reconnu coupable du coup de feu n’a jamais eu de procès véritable. Il a toujours nié être l’auteur du coup de fusil même si, vraisemblablement, il a participé à la préparation de ce meurtre.
Roger Martin, spécialiste de la face cachée des États-Unis, s’est à son tour penché sur les documents dont certains ont été rendus publics, souvent caviardés. « Le Rêve brisé » – le titre fait référence au discours le plus célèbre de King, « I have a dream », titre aussi d’un blues écrit par le poète Big Bill Broonzy – est celui à la fois de Martin Luther King et, surtout, de toute une jeunesse qui voulait construire une autre Amérique.
Même si la thèse du complot est un peu trop dans l’air du temps, il n’empêche que les interrogations que Roger Martin accumule donnent à douter de la thèse officielle. La révolution russe alimentera la peur de l’alliance entre communisme et radicalité des Africains-Américains toujours nommés « Nègres » dans tous les rapports du FBI. La « guerre froide » aura comme effet de grossir les rangs du parti communiste d’informateurs du FBI. La peur conjuguée du Noir et du Rouge alimentera les dossiers du FBI. La collusion avec les Ku-Klux-Klan et les groupes fascistes ou nazis est une autre réalité de cette société dominée par le racisme. Les policiers noirs subissent des brimades et lorsqu’ils ont un grade, ils ne sont pas obéis des policiers blancs. John Edgar Hoover, le directeur du FBI, cible les Africains-Américains, les homosexuels et les communistes. La lutte contre la pègre ne fait pas partie de ses objectifs.
De là à penser que le FBI a, au moins, permis cet assassinat est une hypothèse à prendre en compte. Comme pour le meurtre, un peu plus tard, de Robert Kennedy quasi assuré d’être élu président qui s’est opposé à Hoover.
L’intérêt de cette enquête, au-delà de King est de dresser une sorte de cartographie de cette Amérique des années 20 aux années 60, une manière de mêler centenaire – celui de la Première Guerre Mondiale, la Révolution russe, du premier disque de jazz – et cinquantenaire.
Roger Martin insiste sur le dernier discours de King qui prend position non seulement pour les droits civiques, contre la guerre du Vietnam mais aussi sur le combat unifié, social contre cette société capitaliste. Lorsque Malcom X a rompu avec la « Nation of Islam » pour un discours politique d’ensemble, anti-impérialiste, il est devenu l’homme à abattre. Référence nécessaire pour comprendre le contexte de cette année 1968, année de radicalisation de la jeunesse et des grandes luttes sociales.
Il faut se plonger dans ce dossier même s’il semble quelquefois rébarbatif. Pour fêter, comme il se doit, ce cinquantenaire loin de toute commémoration.
Nicolas Béniès
« Le Rêve brisé. Il y a cinquante ans tombait Marin Luther King », Roger Martin, De Borée éditions/ Histoire et Documents.
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