Georg, un critique musical renommé, est du jour au lendemain remercié par le directeur du journal qui l’employait depuis des années. Le coup que ce licenciement porte à son ego est à ce point terrible que Georg perd petit à petit la mesure des choses.
Il tait la nouvelle de son licenciement à Johanna, sa femme, et se lance à l’encontre de son ancien employeur dans une série d’actes de vengeance aussi abracadabrants qu’inefficaces.
Dès lors, Georg ne contrôlera plus vraiment le déroulement de sa vie et ira jusqu’à s’associer à un forain pour gérer une affaire de stands de fête foraine dans lequel il a investi ses économies.
La première séquence du film surprend une conversation de routine entre Georg et une de ses collaboratrices alors qu’ils avancent dans les longs couloirs des locaux du journal : rien de plus naturel que cet échange dont on saisit vaguement la contenu.
Dans la séquence suivante, Georg face au directeur du journal, apprend qu’à cause de son ancienneté coûtant trop cher au journal, il est licencié pour laisser la place à de jeunes collègues en début de carrière.
Georg ne dit mot de la perte de son travail à Johanna son épouse psychiatre et dès lors, commence pour lui une période de mensonges, de dérives et d’événements en cascades qu’il ne contrôle plus.
Si le sujet n’est pas neuf de l’individu qui tait à son entourage son licenciement et qui doit tuer le temps tout au long de ses journées de désœuvrement, Josef Hader s’écarte très vite d’un déroulement narratif attendu pour livrer son personnage principal à des dérapages de comportement, des décisions inattendues, des initiatives saugrenues qui le plongeant dans un état de trouble comportemental, préoccupe son entourage à juste titre.
Le plus clair de son temps, Georg le passe à inventer de nouveaux moyens de se venger de son patron. Ce sont souvent des actes qui tiennent plus du jeu potache que d’une stratégie de révolte.
Survient ensuite cette amitié qui le lie à Erich le forain, cet homme qui, comme lui, a été la victime d’une hiérarchie injuste.
Georg s’implique alors à ses côtés, dans la bonne marche de l’entreprise de jeux forains que son associé a acquis grâce à ses deniers.
Mais Johanna ne tarde pas à découvrir le pot-aux-roses et trop préoccupée à faire face à ses problèmes personnels, elle suspend les séances de psychanalyse qu’elle dispensait à un patient de longue date.
Quelle n’est pas alors la surprise de Georg quand il découvre que son ancien employeur (que cette fois-ci, ayant acheté une arme, il est venu abattre), n’est autre que le compagnon du patient de Johanna qui suivait une psychanalyse pour régler son problème de bi-sexualité et de rupture amoureuse…
«La tête à l’envers » débute comme une comédie sociale classique.
Mais les éléments dramatiques qui vont dans ce sens, sans jamais vraiment perdre de leur gravité, se doublent bientôt d’une sorte de narration parallèle où d’un rebondissement à un autre, au fil de chassés-croisés imprévisibles, s’insinue une dimension burlesque.
Et Georg chez qui on avait très tôt décelé une certaine naïveté, devient un personnage d’autant plus pathétique qu’il s’avère involontairement drôle.
Josef Haber conserve de bout en bout à son film cet équilibre fragile entre fantaisie et drame intimiste mais jamais il n’exploite une situation qui pourrait s’avérer franchement comique.
Avec ce réalisateur, le drame comme la comédie sont, avec bonheur, traités en demi-teinte.
Francis Dubois
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