Rokas, sans trop réfléchir à ce à quoi il s’engage, accepte de conduire une camionnette de l’aide humanitaire depuis la Lituanie jusqu’en Ukraine en plein conflit armé. Inga, sa toute jeune fiancée, décide de l’accompagner.

Mais au fur et à mesure du voyage, il se retrouvent de plus en plus livrés à eux-mêmes et après de premières haltes accueillantes, il vont à la dérive entre spectacles de vies déchirées et ruines de combats. Ils arrivent bientôt dans un secteur de guerre sans prendre vraiment la mesure des dangers qu’ils encourent

Cinéma : Frost
Cinéma : Frost

Le film de Sharumas Bartas se déroule pendant la guerre mais plutôt que de montrer l’action militaire, il montre ce que la guerre laisse derrière elle, ce qui reste en marge des combats, colonnes abandonnées, villes détruites et désertées.

Lorsque la Russie occupe la Crimée, il s’en suit un conflit armé et des troubles dans l’Ukraine de l’Est.

Après plusieurs années de lutte des ukrainiens pour leur souveraineté et leur indépendance, la nécessité s’est imposée au réalisateur lituanien de raconter cette histoire récurrente à travers la voix de ceux qui continuent de lutter pour leur liberté.

Le récit du film s’appuie sur l’histoire des nombreuses invasions par les Russes, depuis celle de la Lituanie en 1939 jusqu’à celle de la Crimée en 2014, même si cette trame n’existe pas explicitement dans le déroulement du film.

Ce sont les images à la télévision de Maïdan à Kiev pendant l’occupation de la Place jusqu’au renversement du gouvernement pro-russe le 22 février 2014 qui ont été le déclencheur définitif du projet de « Frost» que Sharunas Bartas avait depuis longtemps en tête, même si le scénario de départ a subi de nombreuses modifications au fil des événements, la crise ukrainienne ayant suscité beaucoup d’émotion en Lituanie dont le peuple s’est senti concerné.

«Frost» commence comme un simple road-movie qu’entreprend un jeune couple qui, au fil des rencontres et des imprévus du voyage, va apprendre à mieux se connaître.

Il se poursuit comme une entreprise de plus en plus périlleuse, chaque fois un peu plus difficile à poursuivre, jusqu’à se charger de risques réels et de la prise de conscience d’un danger de tous les instants par les deux jeunes protagonistes.

Pourtant, malgré un danger qui se précise puis s’amplifie, Rokas et Inga vont poursuivre leur route et de ce point de vue, le personnage de Rokas est de plus en plus intéressant à mesure qu’il s’enfonce dans le territoire de guerre.

Qu’est-ce qui peut pousser ce jeune homme, sans doute appartenant à la bonne bourgeoisie et mal préparé aux épreuves qu’il traverse, à poursuivre la route ? Sans doute est-il habité par le sentiment d’inachèvement par rapport à la mission qu’on lui a confiée même si le chargement du van est sans doute d’une valeur dérisoire.

Mais ce qui l’habite c’est une soudaine curiosité à l’égard du conflit qui se matérialise sous ses yeux.

Venant d’un pays à l’écart de la guerre mais voisin de ceux où elle a lieu, Rokas semble vouloir combler le fossé de son ignorance.

Les différents épisodes du voyage, les différentes atmosphères donnent à Sharunas Bartas l’occasion de réaliser un film tout en contrastes. La violence des images qu’offrent les destructions guerrières, les questionnements des combattants, les extérieurs ravagés et les intérieurs oppressants font de « Frost » » un film passionnant, aussi cruel qu’émouvant.

Francis Dubois


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