Dans un village du Middle-West américain, Suzanne, vingt-trois ans, change de sexe, devient un homme et vit en couple avec Sarah qui l’assiste dans sa métamorphose.
Suzanne devient Coby et sa transformation bouleverse la vie de tout son entourage même si, après le choc de l’annonce, chacun des membres de sa famille s’est rangé du côté de sa volonté.
A l’origine du film de Christian Sonderegger, il y a l’histoire de son demi frère, mais même si le récit respecte les différentes phases du changement, «Coby» déjoue tous les pièges du documentaire.
Avoir recours à la fiction était, pour le réalisateur, à la fois une métaphore du réel et l’assimilation de la réalité.
Lorsqu’en 2010, Suzanne-Coby a amorcé sa transition, il a demande à son demi-frère, puisqu’il est cinéaste, de l’accompagner dans cette période capitale de sa vie.
Coby avait auparavant posté des vidéos sur Youtube qui pourraient venir en complément du filmage des épisodes suivants.
Christian Sonderegger n’était cependant pas convaincu par ce cinéma du réel qui consistait à suivre une personne et à rendre compte d’étapes plus ou moins dramatiques de son état.
Pendant cinq ans, le réalisateur qui vit en France alors que Coby vit aux États-Unis, a suivi de loin en loin l’évolution de son demi-frère et les effets que cette transformation opérait sur le cercle familial.
C’est alors que le processus était largement engagé, qu’est apparue au cinéaste la possibilité de traiter ce sujet de façon fictionnelle et c’est ainsi que, d’une certaine façon, de sa propre initiative, il a initié le projet.
Le fait d’appartenir à la famille de Coby pouvait être un frein pour le réalisateur qui se sentait trop proche de l’ histoire et qui, du coup, redoutait la réalisation d’un film «familial»
Or, le handicap qu’il craignait a tourné à l’avantage et la «proximité» du sujet lui a donné une légitimité auprès de ses interlocuteurs ; et les interviews face caméra, si elles n’ont pas toujours été retenues au final, ont permis de briser la glace et à chacun de s’engager dans «l’aventure».
Christian Sonderegger, dans les premières séquences, ne nomme jamais le sujet central de son film. Les scènes se contentent de montrer Coby dans son quotidien : travail, famille, activités ordinaires.
L’important étant de faire du jeune homme un «être humain» et non un sujet de société ; d’amener progressivement le spectateur dans l’univers de Coby, de l’amener à découvrir un garçon ouvert et sympathique. Il était nécessaire de ne rien précipiter dans la chronologie, de prendre du temps avec lui pour filmer son univers et surtout, ne jamais susciter de l’apitoiement.
L’autre choix qu’a fait Christian Sonderegger était d’éviter les images choc, celles par exemple de l’opération, de Coby quittant le bloc avec des tubes partout, l’impatience de ses proches derrière la paroi vitrée.
Il a préféré édifier autour de la transformation une véritable dramaturgie, en situant par exemple dans l’histoire le personnage de Sarah de façon assez tardive, de l’installer à sa place aux côtés de Coby, lorsque, évoquant un baiser qu’ils échangent, elle lui dit qu’il a « un goût de garçon ».
De sorte que le baiser agisse comme dans les contes quand il prend valeur de définitive révélation et que, sous l’effet d’un pouvoir magique, il vienne confirmer au héros son identité profonde.
En arrivant tardivement dans l’histoire, Sarah devient la femme de Coby au moment où il est définitivement devenu un homme. Et ainsi, on comprend mieux sa présence et que c’était elle le vrai déclenchement de la transition.
Le réalisateur a une façon très personnelle d’aborder un sujet auquel le cinéma semble s’intéresser depuis quelques années et qu’il aborde de façon plus ou moins réussie.
La réussite du film de Christian Sonderegger tient au fait que la transition de Coby, si elle tient à la métamorphose d’un être, se réalise réellement quand l’événement a obtenu l’assentiment naturel de tout son entourage et principalement de ce demi-frère pour qui ce film raconte une vraie rencontre.
Francis Dubois
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