A Casablanca, entre passé et présent, cinq destins vont croiser, reliés par les caprices du hasard.
Différents visages, différentes trajectoires, différentes luttes mais tous avec en tête la même quête de liberté. Tout cela, avec en bruit de fond, une révolte qui monte….
«Razzia» ses déroule à deux époques qui, à la fois s’apparentent en bien des points et pourtant, en d’autres points, sont aux antipodes l’une de l’autre.
La première période est celle du début des années 80 tandis que l’autre se situe en 2015.
Le début des années 80 correspond au Maroc à une accélération des réformes touchant à l’arabisation qui avait débuté dès la fin du protectorat et qui exprimait la nécessité du pays de préciser son identité à travers la langue.
L’orientation vers un enseignement pratique de l’arabe classique allait mettre au rencart les professeurs locaux au bénéfice de professeurs «importés» des pays du Moyen Orient, l’Arabie saoudite, la Syrie, l’Égypte.
La seconde époque, celle de l’été 2015 amène à un goulot d’étranglement, un société qui se trouve tout à coup partagée entre tradition et modernité.
Le fossé va se creuser entre le désir de la libération des mœurs et les règles dictées par la vindicte populaire et la religion. Les homosexuels vont se faire lyncher, les filles qui portent une jupe peuvent se retrouver inculpées, jugées…
Des événements qui se déroulent dans un contexte de manifestations, celles des islamistes, des conservateurs au cours desquelles, à l’opposé, une majorité de femmes protestent contre la réforme du code de l’héritage.
« Razzia» relie les deux époques et place le Maroc en étau entre les conservateurs réfractaires à toute réforme et défenseurs d’une vision rétrograde de la société et des libertés individuelles et à l’opposé le camp progressiste tourné vers la modernité.
Le pays qui se trouvait jusque là dans une sorte de non-dit lié à une culture du consensus et à une volonté de préserver un équilibre dans la société va voir tout à coup, en 2015, la parole se libérer et s’affronter ceux qui voulaient ramener le pays en arrière et ceux qui avaient envie de se projeter et de rêver.
Sa situation géographique et la pente de l’histoire font du Maroc un pays « naturellement » tourné vers l’Occident, une porte vers l’Europe.
La langue prise entre dialectes et arabe classique devient à la fois une barrière, une frontière et un marquage. Les personnages du film apparaissent dans des contextes très différents, sont marqués, dans une diversité, par une langue qui les définit.
Le film établit un différence entre la censure officielle, violente et frontale et la censure de masse qui amène à une auto-censure beaucoup plus pernicieuse parce qu’elle se répand dans l’espace public sous la forme de regards hostiles, de commentaires et de remarques et empiète largement sur les choix de vie.
« Razzia » est à la fois un constat inquiétant de l’état du pays et un message d’espoir. Un film qui gagne en épaisseur au fur et à mesure qu’il laisse de côté un certain didactisme.
Francis Dubois
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