Le jour où Amel, jeune photographe portraitiste tunisoise, perd son mari, elle voit sa vie basculer.
Encouragée par son beau-père défenseur des arts et admirateur de son travail, Amel reprend goût à la vie et entreprend sur ses conseils, de photographier des garçons de la rue. En jeune femme libre et sans craindre de passer pour scandaleuse, elle fait le choix de regarder les hommes comme les hommes regardent les femmes.
«L’amour des hommes » dresse le portrait d’une jeune femme libre et au-delà, dans un pays du Maghreb où la tendance serait plus le hijab que la mini-jupe.
Si le film de Mehdi Ben Attia commence avec la photographie d’une femme portant le voile, c’est pour pouvoir mieux l’en débarrasser par la suite.
La photographie de la femme voilée fait partie d’un défilé d’une vingtaine d’autres portraits de femmes qui, en disant la diversité des femmes, déjouent les à-priori et sont là comme la preuve qu’il existe de multiples façons d’être une femme dans les pays du Maghreb.
Mais dans le film de Mehdi Ben Attia, malgré les signes extérieurs d’une libération qui pourrait correspondre aux points qu’a marqués la jeune femme sur les limites sociales et religieuses imposées, on devinera très vite que pour elle, un bout de la route reste à parcourir et que d’une façon générale, personne n’est jamais totalement libre.
Lorsque le beau-père d’Amel dit que si les photographies qu’a réalisées Amel avaient été prises par un homme, elles seraient apparues moins sulfureuses, il se réfère à une réalité selon laquelle, dans un pays du Maghreb, un réalisateur (comme ça a été le cas de Mehdi Ben Attia) peut mettre en scène une histoire d’amour entre hommes («Le fil» ), les réalisatrices femmes ont du mal à traiter des sujets transgressifs pour ne pas dire qu’elles ont beaucoup plus de mal qu’un homme, à imposer leurs projets.
«L’amour des hommes» repose presque essentiellement sur la composition magistrale de Hafsia Herzi, comédienne révélée par Abdelatif Kechiche dans la «La g raine et le mulet» et qui depuis a conduit une carrière exigeante et réussie.
Hafsia Herzi fait preuve dans le rôle d’Amel d’une autorité et d’un charisme de tous les instants. Sa force et sa détermination sont autant dans son regard où passe quelquefois un voile d’indifférence féroce, que dans sa gestuelle précise, que dans sa façon volontaire d’avancer.
Certes, le rôle a été écrit pour elle et les dialogues qu’elle distille avec énergie lui vont comme un gant mais elle a cette présence, cette détermination, cette façon d’être une femme dans un pays d’hommes.
On comprend, à la voir fendre la foule dans les rues de Tunis dans des tenues courtes et partiellement découvertes, à la voir répondre aux regards des hommes, que Mehdi Ben Attia, qui l’affirme, n’aurait pas réalisé ce film sans sa collaboration.
Si dans ses récentes apparitions sur les écrans, on la trouvait juste, ici elle éclate littéralement.
Un très beau film libre et courageux, passionnant de bout en bout.
Francis Dubois
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